PUNTLAND, Somalie – « Je me suis sentie impuissante… j’ai regardé autour de moi mais il faisait trop sombre pour savoir qui m’avait fait ça. Je suis rentrée chez moi en courant, terrifiée… ma famille dormait encore à poings fermés. »
Khadijo*, 11 ans, ne s’est aventurée qu’à quelques mètres de sa tente pour aller aux toilettes, mais seule dans l’obscurité, elle était une proie facile pour un prédateur sexuel. Dans le noir, un homme l’a attrapée en lui mettant une main sur la bouche pour l’empêcher de crier pendant qu’il la violait.
Après que son violeur a pris la fuite, Khadijo a retrouvé sa tente, terrorisée et en souffrance physique. Elle a tenté de se rendormir mais a saigné toute la nuit.
« J’ai dit à ma mère ce qui s’était passé mais elle ne m’a pas crue. Elle n’a pas voulu m’emmener voir un médecin malgré mes supplications, et m’a donné l’une de ses écharpes pour arrêter le saignement, qui a duré plusieurs jours. Je suis devenue faible et malade », raconte-t-elle à l’UNFPA.
Depuis l’an dernier, Khadijo vit avec sa mère et quatre de ses frères et sœurs plus jeunes dans une petite tente (ou « bur ») dans le camp de Shabelle, qui abrite des personnes contraintes de quitter leur maison pour échapper aux conséquences d’une terrible sécheresse, qui frappe la Somalie depuis deux ans. La famille de Khadijo a quitté son domicile quand ses dernières bêtes sont mortes et que la famine la menaçait.
Son père est resté, espérant que les pluies arriveraient enfin et que la famille pourrait regagner son foyer.
Ses espoirs sont pourtant restés vains : près de la moitié de la population (soit 7,8 millions de personnes) a besoin d’une aide humanitaire immédiate et durable, et on compte 1,1 million de Somalien·ne·s déplacé·e·s par l’absence de pluie et la famine qui ravage le pays. Plus de 80 % de ces personnes sont des femmes et des enfants, qui courent un plus grand risque de violence basée sur le genre, d’exploitation et d’abus dans les situations de déplacement et d’urgence.
En pleine détresse, un peu d’espoir
Le camp de la ville de Bossaso, dans le nord-ouest du pays, accueille plus de 40 000 personnes provenant des régions asséchées de Karkaar, Hargeysa et Gardo. Bien que la nourriture et l’eau soient moins rares au camp, la vie n’y est pas facile, loin de là : il n’y a pas de services médicaux, et en l’absence d’installations sanitaires opérationnelles, il faut se dissimuler dans les broussailles pour se soulager.
Les femmes attendent souvent qu’il fasse nuit dans l’espoir d’avoir un peu d’intimité, car dès le début de soirée les rues du camp sont désertes, mais c’est malheureusement à la faveur de ces circonstances que l’agresseur de Khadijo l’a attrapée.
Sans aucune structure de santé qui proposerait des soins ou de l’aide, Khadijo a commencé à s’isoler, devant gérer seule son traumatisme physique et psychologique. « J’avais l’impression que personne ne se souciait de moi », dit-elle à l’UNFPA. « J’ai cessé de faire confiance aux autres car j’avais peur que l’on me fasse du mal. »
Presque un mois plus tard, une équipe de juristes communautaires de l’ONG locale HILI Somalia a effectué une visite au camp et a appris l’agression. Elle a informé Khadijo de l’existence d’une clinique juridique mobile, soutenue par l’UNFPA, qui propose conseils et aide juridique aux femmes, aux filles et aux personnes vulnérables ou marginalisées.
Une crise de la santé sexuelle pour les femmes et les filles
Le viol, la violence au sein du couple, le harcèlement sexuel, les abus et l’exploitation sexuelle, le mariage d’enfants ou forcé, les mutilations génitales féminines et les avortements forcés ne sont que quelques-unes des formes dévastatrices de violences basées sur le genre dont on signale l’augmentation au sein des populations déplacées de Somalie.
Parmi les personnes affectées par la sécheresse, l’UNFPA estime que près de 2 millions sont des femmes et des adolescentes en âge de procréer. Puisque seule une structure de santé sur cinq est totalement opérationnelle dans le pays, leur bien-être physique et psychologique est plus menacé que jamais, alors même que la sécheresse se prolonge, que les ressources alimentaires se raréfient et que les déplacements s’accroissent.
En Somalie, l’UNFPA élargit ses opérations humanitaires en proposant pour la réponse à la violence basée sur le genre et l’atténuation des risques des services essentiels de qualité, confidentiels et réactifs. Six cliniques mobiles de sensibilisation sont actuellement en activité dans les camps pour personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP), proposant des services ambulatoires de santé sexuelle et reproductive, de planification familiale et d’orientation adaptée vers les structures de santé les plus proches. Les espaces sûrs, refuges et centres polyvalents des camps de PDIP et des zones les plus touchées par la sécheresse sont davantage développés, afin d’assurer aux survivantes de violences un accès à des soins médicaux complets, et à une aide psychosociale et de santé mentale, dont elles ont désespérément besoin pour surmonter leur traumatisme.
Pour Khadijo, le simple fait d’être écoutée et la possibilité qu’une enquête soit ouverte ont été très encourageants. « La dame avait à cœur de m’écouter, elle m’a crue », déclare-t-elle. « J’ai bon espoir d’obtenir justice. »
Source:unfpa.org