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La lutte contre les inégalités liées au genre dans les systèmes agroalimentaires et l’autonomisation des femmes contribuent à faire reculer la faim, à stimuler l’économie et à renforcer la résilience face aux chocs tels que le changement climatique et la pandémie de Covid-19, selon un nouveau rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publié jeudi 13 avril 2023.

Le rapport intitulé The status of women in agrifood systems (La situation des femmes dans les systèmes agroalimentaires), le premier consacré à ce thème depuis 2010, dépasse le cadre de l’agriculture pour donner une vue d’ensemble complète de la situation des femmes qui travaillent dans les systèmes agroalimentaires — de la production à la consommation en passant par la distribution. 

Le rapport souligne qu’à l’échelle mondiale, ces systèmes concentrent 36% de la population active féminine et 38% de la population active masculine. Cependant, les femmes y occupent en général une place marginale et doivent composer avec des conditions de travail souvent plus difficiles que celles des hommes, dans la mesure où elles sont cantonnées à des emplois occasionnels ou à temps partiel, informels, peu qualifiés et à forte intensité de main-d’œuvre. De même, les femmes qui occupent un emploi salarié dans l’agriculture gagnent 82 centimes pour chaque dollar gagné par les hommes. 

Les femmes ont en outre des droits fonciers plus précaires sur les terres agricoles, accèdent moins facilement au crédit et à la formation et doivent travailler avec des technologies qui ont été conçues pour les hommes. Conjuguées aux discriminations, ces inégalités engendrent un écart de productivité de 24% entre agriculteurs et agricultrices, à taille d’exploitation égale. 

L’étude souligne par ailleurs que les systèmes agroalimentaires constituent une source de moyens d’existence plus importante pour les femmes que pour les hommes dans de nombreux pays. Par exemple, en Afrique subsaharienne, 66% des emplois occupés par des femmes le sont dans ce secteur, contre 60% de ceux occupés par des hommes. En Asie du Sud, les femmes travaillent en grande majorité dans les systèmes agroalimentaires (71% des femmes contre 47% des hommes), bien qu’elles soient moins nombreuses que les hommes dans la population active.

Des agricultrices travaillent dans un champ à Bichkek, au Kirghizistan.
© FAO/Vyacheslav Oseledko
Des agricultrices travaillent dans un champ à Bichkek, au Kirghizistan.

Avantages socioéconomiques  

« Si nous nous attaquons aux inégalités de genre qui sont endémiques dans les systèmes agroalimentaires et donnons aux femmes les moyens de s’autonomiser, nous ferons un grand pas vers les objectifs d’élimination de la pauvreté et d’avènement d’un monde libéré de la faim », souligne le Directeur général de la FAO, Qu Dongyu, dans son avant-propos à ce rapport.

L’étude explique en effet que la résorption des disparités qui existent entre les femmes et les hommes en ce qui concerne la productivité agricole et les salaires perçus dans l’agriculture ferait grimper le produit intérieur brut mondial de près de 1.000 milliards de dollars et réduirait de 45 millions le nombre de personnes exposées à l’insécurité alimentaire. 

De même, les projets qui visent spécifiquement à autonomiser les femmes ont des retombées plus importantes que les projets dans lesquels on se contente d’intégrer les problématiques liées au genre. Les auteurs expliquent que si la moitié des petits producteurs bénéficiaient d’interventions de développement axées en priorité sur l’autonomisation des femmes, cela permettrait d’accroître de manière notable les revenus et de renforcer la résilience de respectivement 58 millions et 235 millions de personnes supplémentaires. 

« La création de systèmes agroalimentaires efficaces, inclusifs, résilients et durables est subordonnée à l’autonomisation de toutes les femmes et à l’égalité des genres. Les femmes ont toujours travaillé dans les systèmes agroalimentaires. Il est temps que les systèmes agroalimentaires se mettent à travailler pour les femmes », ajoute M. Qu. 

Inégalités liées aux chocs climatiques et aux chocs économiques mondiaux 

Le rapport indique par ailleurs que lorsque la situation économique se dégrade, les emplois féminins sont les premiers à en faire les frais. À l’échelle mondiale, 22% des femmes ont perdu leur emploi dans les segments non agricoles des systèmes agroalimentaires durant la première année de la pandémie de Covid-19, contre seulement 2% des hommes. 

En outre, l’insécurité alimentaire des femmes s’est aggravée plus vite que celle des hommes pendant la pandémie, et il leur a fallu assumer davantage de tâches de soins, de sorte que, bien souvent, les filles ont davantage manqué l’école que les garçons. Les violences fondées sur le genre se sont également aggravées, en particulier les violences domestiques à l’encontre des femmes et des filles.  

L’étude confirme par ailleurs que les femmes sont plus vulnérables aux chocs climatiques et aux catastrophes naturelles, car les contraintes en matière de ressources et les normes discriminatoires liées au genre auxquelles elles sont confrontées peuvent rendre leur adaptation plus difficile. Par exemple, la charge de travail des femmes, y compris les heures travaillées dans le secteur agricole, tend à diminuer dans une moindre mesure que celle des hommes lors de chocs climatiques, comme en période de stress thermique.

Des progrès lents 

Même si des succès ont été obtenus sur la voie de la réduction de la fracture numérique et des disparités d’accès aux financements entre les femmes et les hommes, 10 ans après le dernier rapport de la FAO, la résorption de la plupart des disparités femmes-hommes marque le pas, quand les écarts ne sont pas repartis à la hausse, entravant les progrès dans une multitude de domaines, de la nutrition au développement de la petite enfance, des revenus à l’accès à des emplois de qualité. 

En outre, les inégalités observées dans les systèmes agroalimentaires freinent l’avancement des femmes à tous les niveaux et dans toutes les fonctions. Les femmes ont difficilement accès à la formation, au crédit et à des outils essentiels tels que la terre, les engrais et les systèmes d’irrigation, qui renforcent leur autonomie et leur permettent d’apporter une contribution égale à celle des hommes. 

Les auteurs font valoir que même si les questions de genre ont pris une place plus importante dans les cadres d’action nationaux au cours de la dernière décennie, les inégalités entre les femmes et les hommes dans les systèmes agroalimentaires persistent, en partie parce que les politiques, les institutions et les normes sociales discriminatoires ne donnent pas aux femmes les mêmes chances ni les mêmes droits en ce qui concerne les ressources. 

Recommandations 

Le rapport conclut que, dans l’ensemble, la réduction des inégalités qui existent entre les femmes et les hommes au regard des moyens d’existence, l’amélioration de l’accès aux ressources et le renforcement de la résilience forment une stratégie de première importance pour promouvoir l’égalité des genres, l’autonomisation des femmes et la transition vers des systèmes agroalimentaires plus équitables et plus durables. 

Il faut pour cela supprimer les inégalités d’accès aux avoirs, à la technologie et aux ressources. L’étude montre que les interventions visant à accroître la productivité des femmes s’avèrent efficaces lorsqu’elles permettent de remédier au problème des soins et des travaux domestiques non rémunérés, offrent des possibilités d’éducation et de formation, et renforcent la sécurité des droits sur les terres.  

L’accès aux services de garde d’enfants a également un effet largement positif sur l’emploi des mères, et il est avéré que les programmes de protection sociale stimulent l’emploi des femmes et les dotent d’une plus grande capacité de résilience. 

Le rapport indique en outre que les approches porteuses de transformations en matière de genre sont un moyen prometteur de faire évoluer les normes discriminatoires, qui donnent de très bons résultats à moindre coût. 

Enfin, les auteurs recommandent de combler le manque persistant de données de qualité ventilées selon le sexe, l’âge et d’autres facteurs de différenciation sociale et économique, qui sont d’une importance primordiale pour pouvoir suivre et accélérer les progrès en matière d’égalité des genres dans les systèmes agroalimentaires.

Source:news.un.org