Le conflit en cours au Mali et les déplacements qu’il entraine ont perturbé l’accès aux services essentiels comme les soins de santé sexuelle et reproductive, et contribue à l’un des plus forts taux de mortalité maternelle du monde. La crise a mis à mal les droits des femmes et des filles et fait augmenter les risques de violence basée sur le genre et de pratiques néfastes.
Les femmes ont besoin d’une assistance supplémentaire afin d’avoir accès à des soins pré et postnatals et de pouvoir accoucher en toute sécurité. L’Agence des Nations Unies pour la santé sexuelle et reproductive (UNFPA) s’efforce de leur apporter un soutien.
En voici quelques exemples dans des témoignages recueillis par l’UNFPA :
Aissata Touré, 16 ans, vient d’avoir son premier enfant. Cette jeune mère espérait accoucher près de chez elle, dans son village de Ngouma (Mali), mais une agente de santé locale lui a conseillé de se rendre à l’hôpital à cause des potentielles complications.
Le trajet allait toutefois s’avérer difficile et coûteux.
Sa famille a loué une voiture et Aissata a fait la route, en plein travail, jusqu’à l’hôpital Sominé Dolo situé à Sevare, à 170 km de chez elle.
« Le trajet a été difficile et très inconfortable », raconte-t-elle. Son coût ? 120.000 francs CFA, soit près de 200 dollars, une somme astronomique au Mali.
Heureusement, Aissata a pu arriver à l’hôpital à temps pour accoucher sous la supervision de personnel qualifié. Toutefois, les femmes ont besoin d’une aide supplémentaire afin d’avoir accès à des soins pré et postnatals et de pouvoir accoucher en toute sécurité.
La longue route jusqu’à l’hôpital
L’organisation non gouvernementale HELP est un partenaire de l’UNFPA qui propose son aide aux femmes enceintes lorsque cela est possible, notamment en organisant des transports privés depuis les zones rurales jusqu’à l’hôpital Sominé Dolo pour les femmes présentant des complications obstétricales.
Toutefois, dans cet immense pays qui est l’un des plus vastes d’Afrique, il est impossible d’aller partout et d’atteindre tout le monde. A l’instar du village d’Aissata, qui est trop isolé pour être desservi.
« Il n’y a pas de transport là où vit ma nièce, aucune aide », raconte l’oncle d’Aissata, Abdoulaye Bocoum. Il ne le sait que trop bien : il travaille pour HELP. « C’était terrifiant. Si la famille n’avait pas pu payer la location d’une voiture, elle n’aurait pas pu arriver jusqu’ici. »
Kadiatou Karembé, qui travaille comme sage-femme à l’hôpital Sominé Dolo depuis sept ans, a elle-même été témoin des conséquences des complications lorsqu’une femme enceinte ne peut pas arriver à temps à l’hôpital. Malheureusement, il n’est pas rare que la patiente meure.
Comme les femmes sont orientées ici depuis des communautés isolées, elles passent parfois la nuit sur les routes. Une fois, l’une de ces femmes est morte – Kadiatou Karembé, sage-femme
Aider les personnes déplacées
Tandis que l’équipe qui travaille à l’hôpital Sominé Dolo est occupée à sauver la vie des personnes qui peuvent s’y rendre, des équipes de santé mobiles soutenues par l’UNFPA se sont installées dans des camps pour personnes déplacées, qui ne sont pas en mesure de faire le trajet jusqu’à un établissement de santé.
Dans le nord et le centre du Mali, des centaines de milliers de personnes ont été forcées à abandonner leur domicile à cause d’attaques armées contre la population civile, menées par des groupes terroristes.
C’est le cas de Fatoumata Dienta, 25 ans. Elle était enceinte de deux mois lorsqu’elle a fui sa maison de Dena, le long de la rivière Bani.
« Un soir, après le repas, des terroristes ont fait irruption et nous ont ordonné de partir dès le lendemain », raconte-t-elle. Avec sa famille, elle est partie pour le site de Barigondaga pour personnes déplacées, dans la région de Mopti, à 180 km de chez elle.
« Certaines sont venues en rickshaw, d’autres en bateau », précise Fatoumata. Au camp pour personnes déplacées, elle a bénéficié de l’aide d’une équipe de santé mobile, et a finalement pu accoucher dans un centre de santé communautaire.
Le site pour personnes déplacées de Barigondaga compte 149 foyers, dont 372 femmes. Toutes viennent des villages de pêche de Dena et de Soye.
Les équipes de santé mobile de Barigondaga et des autres sites de déplacement proposent des soins pré et postnatals ainsi que du matériel pour rendre les accouchements sûrs.
En 2023, l’UNFPA a recruté et formé 51 sages-femmes dans la région de Mopti, ainsi que rénové et équipé 12 maternités rurales.
Une initiative prometteuse
Parallèlement, à Tombouctou, à près de 400 km au nord du site pour déplacés de la région de Mopti, un programme pour aider les jeunes à apprendre à conduire redonne un peu d’espoir en l’avenir.
Depuis 2021, 500 jeunes femmes et hommes ont obtenu leur permis de conduire dans le cadre de cette initiative, qui est soutenue par l’UNFPA, avec l’aide financière du gouvernement danois.
Le Mali possède une population très jeune : plus de 65 % a moins de 24 ans. Ayant grandi dans un pays en crise, les jeunes ont été en grande partie privé·e·s d’opportunités, de liberté et d’indépendance. Ce programme vise à améliorer leurs perspectives d’emploi et à réduire leur risque d’être recruté·e·s au sein de groupes armés non étatiques.
« Les groupes armés recrutent des jeunes sur tout le territoire, et beaucoup ont rejoint leurs rangs », explique Traore Safietou Abdou, 24 ans, qui a appris à conduire cette année.
« Les choses s’améliorent un peu, et nous commençons à sentir un esprit de communauté se reconstruire. Je prendrai n’importe quel emploi, mais être chauffeure, ce serait un bon début ».
Djiby Kongho, 29 ans, espère que son permis de conduire nouvellement obtenu lui ouvrira des opportunités d’emploi.
« J’ai rejoint ce programme car la vie est difficile ici, et que cela m’offrait une possibilité de m’échapper », précise-t-elle. « Je veux trouver un travail pour aider ma famille. J’aimerais devenir chauffeure – les femmes conduisent tout aussi bien que les hommes ».
En plus d’instructions pour la conduite, les participant·e·s reçoivent des informations sur la violence basée sur le genre, la planification familiale, l’hygiène menstruelle et la santé maternelle, ainsi que sur les services disponibles.
Une crise des droits des femmes
Trente ans ont passé depuis la Conférence sur la population et le développement (CIPD), événement historique qui a vu les leaders du monde entier se mettre d’accord sur des actions concrètes visant à placer les droits et la santé sexuelle et reproductive au cœur du développement durable.
Toutefois, au Mali comme dans beaucoup d’autres contextes de crise humanitaire, les droits de femmes et des filles sont anéantis, faisant stagner ou reculer les progrès dans ce domaine.
Dans les situations de crise, en particulier lorsque les femmes et les filles sont contraintes de se déplacer, on constate un accroissement de la violence basée sur le genre, des décès maternels évitables et des grossesses non désirées. L’UNFPA et ses partenaires continueront à garantir les droits des femmes, des filles et des jeunes.
« Alors même que des missiles pleuvaient, que la terre tremblait et que des chocs climatiques continuaient à se faire sentir, les femmes et les filles dans les situations d’urgence humanitaire ont continué à accoucher, à avoir besoin de services de santé sexuelle et reproductive, et à chercher à se protéger contre la violence basée sur le genre, dans leur foyer comme au sein de leurs communautés », a déclaré la Directrice exécutive de l’UNFPA, Dre Natalia Kanem, alors que l’année 2023 s’achevait.
« Malgré tout, l’UNFPA est restée à leurs côtés pour leur proposer des services essentiels, protéger leur dignité et leurs droits, sauver des vies et leur redonner de l’espoir ».
Source:news.un.org