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Jemimah Njuki est directrice du Genre, des Femmes et de la Société civile au sein du Groupe de la Banque africaine de développement. Elle revient ici sur l’engagement de l’institution en faveur de l’égalité des sexes, ses résultats en matière de soutien aux femmes rurales et la manière dont ce travail contribue à la réalisation des quatre points cardinaux du président Sidi Ould Tah.

Pourquoi la Journée internationale des femmes rurales est-elle importante pour le Groupe de la Banque africaine de développement ?

La Journée internationale des femmes rurales des Nations Unies nous rappelle que les femmes sont des moteurs clés du changement en Afrique. Agricultrices, commerçantes, entrepreneures et innovatrices, elles nourrissent les familles, stimulent les économies rurales et préservent l’environnement. Pourtant, trop d’entre elles continuent de se heurter à des obstacles concernant la terre, le financement, les infrastructures, les technologies et le pouvoir de décision.

Pour le Groupe de la Banque africaine de développement, cette journée a une portée qui dépasse largement le cadre symbolique. Elle réaffirme notre mission, qui consiste à placer l’égalité de genre au cœur de la croissance de l’Afrique. Soutenir les femmes rurales est l’un des moyens les plus efficaces d’accélérer la transformation de l’Afrique en renforçant les communautés et en développant la résilience. Ce travail soutient directement les quatre points cardinaux de M. Sidi Ould Tah : mobiliser des ressources financières qui profitent aux femmes, réformer les systèmes financiers de l’Afrique afin qu’ils travaillent pour elles, exploiter le potentiel démographique et construire des infrastructures résilientes qui améliorent les conditions de vie et les opportunités sur le continent.

Comment le programme de la Banque en matière de genre reflète-t-il cet engagement ?

L’égalité de genre est ancrée dans tout ce que nous faisons. À travers notre Stratégie genre (2021-2025), nous nous concentrons sur trois piliers – autonomiser, accélérer et transformer – en veillant à ce que les femmes soient au centre de chaque programme de développement.

Ces piliers s’alignent parfaitement sur les quatre points cardinaux de M. Ould Tah, depuis l’élargissement de l’accès des femmes aux financements et aux marchés jusqu’à la réforme des systèmes pour qu’ils les servent mieux. Cela passe par le déblocage de leur potentiel démographique et la garantie que les investissements dans les infrastructures répondent à leurs réalités quotidiennes.

Au sein du portefeuille de la Banque, des programmes aident les femmes rurales à accéder au financement, à acquérir des terres et à participer pleinement à la vie économique.

Quels progrès la Banque a-t-elle réalisés dans la promotion de l’égalité de genre, en particulier pour les femmes rurales ?

Nous avons constaté d’énormes progrès ces dernières années, allant des entreprises détenues par des femmes à la résilience dans les domaines de l’agriculture, du climat et du commerce.

Prenons l’exemple de Djibouti. Grâce au projet régional « La terre, c’est la vie », les femmes rurales vivant dans des zones sujettes à la sécheresse ont désormais accès à la terre, à des systèmes d’approvisionnement en eau et à une formation à l’agriculture climato-intelligente. Ce projet a permis de restaurer les moyens de subsistance, de renforcer la participation des femmes à la gouvernance locale et d’améliorer la résilience des communautés où chaque goutte d’eau compte.

En Côte d’Ivoire, dans le cadre du Projet d’appui au programme social du gouvernement, les femmes qui dépendaient autrefois du commerce du charbon de bois se sont tournées vers les cultures maraîchères. Grâce aux intrants et à la formation fournis par la Banque, elles cultivent maintenant des piments, des tomates et des choux, ce qui leur permet de gagner entre 800 000 et 1 000 000 de francs CFA par mois (environ 1 300 à 1 600 dollars). Le projet a également permis d’installer plus de 100 puits et 2 300 pompes manuelles, et de construire des étangs de pisciculture et des poulaillers, créant ainsi des emplois et de nouvelles sources de revenus pour des communautés entières.

Workers at the Bank-financed Government Social Program Support Project demonstrate how modern mechanization boosts food production.

Des travailleurs participant au Projet d’appui au programme social du gouvernement, financé par la Banque, montrent comment la mécanisation moderne stimule la production alimentaire.

Au-delà de l’agriculture, la Banque transforme également l’accès au financement pour les femmes entrepreneures et brise les barrières systémiques auxquelles elles sont confrontées. L’initiative AFAWA (« Affirmative Finance Action for Women in Africa ») reste l’un de nos programmes les plus audacieux. Elle s’attaque au déficit de financement de 42 milliards de dollars entre les genres en établissant des partenariats avec des institutions financières pour élargir l’accès des femmes au crédit. Le programme AFAWA est aujourd’hui présent dans 45 pays, en partenariat avec 185 institutions financières, et a mobilisé plus de 2,5 milliards de dollars pour des entreprises détenues ou dirigées par des femmes.

En Côte d’Ivoire, la coopérative « Les Moissonneurs » de Toumodi illustre cet impact. Grâce au soutien de l’initiative AFAWA, sa présidente, Brouz Jeannette Coffi, a pu formaliser son activité. Ce repositionnement, ainsi que celui de 26 autres coopératives, a ouvert la porte à de nouvelles opportunités, notamment des contrats formels de fourniture de manioc à de grandes entreprises et l’accès au crédit auprès d’institutions financières.

Une composante d’alphabétisation numérique a également permis de former 500 femmes rurales à la lecture, à l’écriture et à la gestion de leurs propres comptes d’argent mobile, autant des compétences qu’elles partagent désormais avec d’autres.

Les femmes rurales sont confrontées à des contraintes de temps et d’infrastructures. Comment la Banque contribue-t-elle à remédier à cette situation ?

Partout en Afrique, les femmes et les filles consacrent chaque jour des heures à des travaux non rémunérés : aller chercher de l’eau, prendre soin de leur famille, gérer les exploitations agricoles ; des tâches non rémunérées qui limitent leur éducation et leurs opportunités commerciales.

La Banque s’attaque à ces défis grâce à des infrastructures et des innovations sociales prenant en compte la dimension de genre. En République démocratique du Congo, le Projet de renforcement des infrastructures socioéconomiques dans la région du Centre a rapproché les points d’eau potable des habitations, réduisant ainsi la charge de travail des femmes et améliorant le bien-être des communautés.

Au Soudan du Sud, grâce au Programme de renforcement de la résilience pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle et à la Réponse à la crise pour les femmes et les communautés touchées, la Banque a soutenu plus de 483 000 personnes, dont 288 000 femmes, en améliorant l’accès à l’eau potable, aux soins de santé et aux services financiers. Ces initiatives permettent aux femmes de gérer les ressources et de façonner les décisions communautaires, tout en gagnant du temps et en renforçant leurs moyens de subsistance.

 

Comment le travail de la Banque contribue-t-il à exploiter le potentiel démographique de l’Afrique ?

La plus grande force de l’Afrique réside dans sa population, et l’autonomisation des femmes et des jeunes est essentielle pour libérer ce potentiel. Lorsque les femmes et les filles des zones rurales ont accès à l’éducation, au financement et à la technologie, elles deviennent de puissants agents de transformation.

Grâce à des programmes phares tels que « Technologies pour la transformation de l’agriculture africaine » et « Enable Youth », la Banque équipe les femmes et les jeunes de technologies modernes, de compétences en affaires et de pratiques climato-intelligentes. Au Nigéria, des coopératives dirigées par des femmes utilisant la technologie d’étuvage du riz de ce programme phare ont généré plus de 65 millions de nairas (181 800 dollars) de ventes à partir de 218 tonnes de riz local de haute qualité en une seule année ; c’est un exemple clair de la manière dont l’innovation se traduit par une autonomisation économique.

À l’avenir, comment la Banque continuera-t-elle de soutenir les femmes rurales ?

Notre vision est simple : chaque femme rurale, peu importe où elle vit, devrait avoir les outils, les opportunités et la voix dont elle a besoin pour s’épanouir.

Sous la présidence de M. Ould Tah, et guidée par les quatre points cardinaux, le Groupe de la Banque continuera de mobiliser des capitaux au service des femmes, de réformer les systèmes qui les freinent, d’investir dans l’éducation et l’accès au numérique, et de construire des infrastructures qui permettent de gagner du temps et de soutenir les moyens de subsistance.

En cette Journée internationale des femmes rurales, nous réaffirmons une vérité simple : les femmes rurales ne font pas seulement partie de l’histoire du développement de l’Afrique, elles façonnent son avenir.

Source:https://www.afdb.org/fr