Année après année, le concept de diplomatie féministe fait son chemin. Une conférence ministérielle sur cette thématique a réuni à Paris une trentaine de pays. Dans une déclaration finale, les participants se sont engagés à défendre les droits des femmes et des filles « dans une période où le droit international et les normes en matière de droits humains sont remis en question ».
Quel est l’avenir de la diplomatie féministe ? Depuis 2010, plusieurs États se sont engagés dans des diplomaties féministes : une politique qui place au coeur de son action l’égalité de genre et les droits humains.
L’idée de mener des politiques étrangères féministes émerge dans les années 2010. Et c’est la ministre des affaires étrangères suédoise, Margöt Wallstrom, qui a fait de la Suède le premier pays à adopter officiellement une diplomatie féministe.
Fondée sur les « trois R » – Rights, Resources, Representation – (droits, ressources et représentation, ndlr), cette approche va inspirer d’autres gouvernements, dont le Canada, la France en 2019, l’Espagne, l’Allemagne ou encore le Chili.
Pendant quelques années, la liste des Etats initiant le processus s’est allongée, avant que la Suède elle-même et les Pays-Bas ne la quittent à la suite d’élections qui ont mis l’extrême droite en position de gouverner ou en soutien d’une coalition. La liste varie donc au cours du temps.
Diplomaties féministes
Réunis à Paris les 22 et 23 octobre 2025 pour la 4e Conférence ministérielle des diplomaties féministes, les représentants de 31 pays européens (France, Pays-Bas, Allemagne, Norvège, Ukraine, etc.), du continent américain (Canada, Colombie, Chili, Mexique, etc.), asiatique (Thaïlande), africains (Rwanda, Liberia) ont promis d’oeuvrer ensemble pour « respecter, protéger, promouvoir et réaliser les droits humains de toutes les femmes et de toutes les filles ».
Ces derniers incluent notamment le droit à l’égalité, à la vie, à la santé, à l’alimentation, à la nutrition, à la vie privée, à l’éducation, à la liberté de conscience, d’opinion et d’expression et à ne pas subir de traitements cruels, selon la déclaration politique finale adoptée, la première du genre.
C’est l’Allemagne qui a organisé la première édition de cette conférence en 2022, suivie des Pays-Bas l’année suivante, puis du Mexique en 2024. L’édition 2026 est prévue en Espagne.
« Les droits des femmes ne sont pas négociables! »
La déclaration finale mentionne également « le droit des femmes et des filles (…) à prendre des décisions éclairées concernant leur vie et leur corps » et « un accès complet et rapide à des services complets de santé maternelle », y compris l’avortement médicalisé.
Nous avons entendu des voix venues de tous les continents qui ont rappelé que la diplomatie féministe n’est pas une posture mais une stratégie pour la paix, pour la justice, pour la dignité humaine.Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères
« Cette conférence a envoyé un signal clair : les droits des femmes ne sont pas négociables », a souligné le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, hôte de l’événement qui s’est déroulé à Paris.
« Nous avons entendu des voix venues de tous les continents — de Kaboul à Mexico, de New Delhi à N’Djamena — qui ont rappelé que la diplomatie féministe n’est pas une posture mais une stratégie pour la paix, pour la justice, pour la dignité humaine », a-t-il dit.
Sous le signe d’un « backlash »
Cette conférence s’est tenue dans un contexte mondial particulièrement hostile, marqué par une crise profonde de l’aide publique au développement (APD).
Après cinq années de hausse, l’APD mondiale a reculé de 7,1 % en 2024, avant d’être encore plus lourdement impactée en 2025 par la fermeture de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) décidée par l’administration Trump, privant des milliers d’ONG de financements essentiels.
À l’échelle européenne, la France a réduit de 37 % son budget de solidarité internationale pour 2025, l’Allemagne a annoncé 2,1 milliards d’euros de coupes, et le Royaume-Uni prévoit de ramener son APD à 0,3 % du RNB d’ici 2027.
Des réductions budgétaires qui toucheront en premier lieu les femmes et les filles, fragilisant leur accès aux soins, à l’éducation et à la protection contre les violences.
« Resserrer les rangs féministes »
« Il était important d’organiser une telle conférence dans un contexte de backlash pour resserrer les rangs féministes », estime de son côté Lucie Daniel, porte-parole d’Equipop, une ONG qui oeuvre en faveur des droits humains. « Et aussi pour envoyer un message à tous les mouvements anti-droits, réactionnaires, qui se sentent un peu pousser des ailes en ce moment ».
Il s’agit d’envoyer un message aux Etats qui souhaiteraient s’engager dans la voie de ces diplomaties féministes. Qu’ils le fassent avec un niveau d’ambition et de cohérence fortes, c’est à dire financer les mouvements féministes à hauteur des combats qui nous attendent.Lucie Daniel, Equipop
L’objectif est aussi d’« envoyer un message aux Etats qui souhaiteraient s’engager dans la voie de ces diplomaties féministes. Qu’ils le fassent avec un niveau d’ambition et de cohérence fortes, c’est à dire financer les mouvements féministes à hauteur des combats qui nous attendent ».
« Dès 2000, la résolution 1325 du Conseil de Sécurité de l’ONU, reconnaissait d’ailleurs le rôle clé joué par les femmes dans la prévention et la résolution des conflits. Pourtant, dans les faits, les politiques restent souvent construites dans des logiques patriarcales et militarisées. Une paix qui n’intègre pas les voix minorisées ne pouvant pas être complète, il est nécessaire de bâtir une diplomatie féministe », insiste Equipop dans un communiqué.
Pour la militante béninoise Kpenassou Marie-Therese Benedicta Aloakinnou, de la Fondation des Jeunes Amazones pour le Développement et fondatrice de Leadelles.com, présente à Paris pour cette conférence, « Un financement féministe n’est pas juste de l’argent, c’est un choix politique ». Tout est dit.
Source: https://information.tv5monde.com/