Sur l’ensemble des 88 États et gouvernements membres de plein droit, associés et observateurs de l’Organisation internationale de la francophonie, combien ont une femme à leur tête ? Sans suspense, le déséquilibre est flagrant.
C’est une femme qui dirige l’Organisation internationale de la francophonie depuis six ans. Louise Mushikiwabo est la deuxième femme à occuper ces hautes fonctions ; la première, Michaelle Jean, est restée à la tête de l’organisation de 2015 à 2019. L’OIF a ainsi « montré la voie », et elle garde le cap, en mettant les femmes au coeur du 19e sommet de la francophonie qui se tient à Villers-Cotterêts, en France, les 4 et 5 octobre 2024.
Aujourd’hui, environ 160 millions de femmes vivent en zone francophone ; en 2050, elles seront 350 millions. Mais aujourd’hui, combien sont-elles au pouvoir ? Si elles sont nombreuses à occuper les fonctions « secondaires » de vice-présidente, vice-Première ministre ou lieutenante gouverneure (dans les provinces du Canada), ce sont au total, treize femmes qui se retrouvent aux plus hautes fonctions dans les pays membres de plein droit, associés ou observateurs de l’OIF. Tour d’horizon.
Dix dirigeantes pour 54 membres de plein droit de l’OIF
République démocratique du Congo
Née en 1967, Judith Suminwa Tuluka est Première ministre de la RDC depuis le 12 juin 2024. C’est la première fois qu’une femme dirige le gouvernement congolais. « Je suis consciente de la grande responsabilité qui est la mienne », déclarait cette diplômée en économie au soir de son élection, disant vouloir oeuvrer pour « que le peuple congolais puisse bénéficier des ressources » du pays.
Dominique
Le 27 septembre 2023, Sylvanie Burton est élue, à 58 ans, présidente de la Dominique. Mariée et mère de deux enfants, elle est la première femme cheffe de l’Etat dans ce pays insulaire des Antilles – et la première Kalinago à la tête du pays à l’ère moderne. Diplômée d’une licence en développement rural et d’un master en gestion, elle dirigeait auparavant des services des ministères des Affaires étrangères, du Commerce et de la Jeunesse.
Grèce
Ekateríni Sakellaropoúlou, née en 1956 à Thessalonique, dans le nord de la Grèce, a d’abord été présidente du Conseil d’État, entre 2018 et 2020, elle est présidente de la République hellénique depuis 2020. Après avoir été la première femme à la tête de la plus haute cour de justice, celle dont le nom se transcrit également Katerina Sakellaropoulou est la première femme présidente dans une Grèce encore fortement marquée par le patriarcat. Militante féministe, elle bouscule les habitudes dans ce pays dont le gouvernement ne compte que quatre femmes.
Moldavie
Maia Sandu, née le 24 mai 1972 à Risipeni, est présidente de la République moldave depuis 2020. Elue pour son programme contre la corruption, elle tente de résister à l’influence de Moscou. Ancienne économiste à la Banque mondiale, aux États-Unis, où elle a fait une partie de ses études, Maia Sandu a été ministre de l’Éducation entre 2012 et 2015. Pro-européenne convaincue, elle a officiellement fait une demande d’adhésion de la Moldavie à l’Union européenne.
Présidente, Maia Sandu avait choisi une femme pour Première ministre : Natalia Gavrilița, 44 ans, économiste, elle aussi fervente pro-européenne. « Ce gouvernement ne va pas voler », déclarait-elle, promettant de « nettoyer les structures d’État des (fonctionnaires) corrompus », de réformer la justice et de lutter contre la pauvreté. En 2023, Natalia Gavrilița doit démissionner sur fond de manifestations pour la Russie et de crise énergétique.
Suisse
A 62 ans, Viola Amherd, originaire de Brigue, dans le Valais, est présidente de la Confédération helvétique en 2024 (en Suisse, le ou la président.e est élu.e chaque année). Inconnue du grand public avant son arrivée au gouvernement, en 20219, Viola Amherd a été la première femme ministre de la Défense en Suisse. Un poste d’où elle a su gagner la confiance de la population et se faire apprécier des autres partis. En 2023, elle était considérée comme la « ministre qui travaille le mieux », selon un sondage publié par le premier groupe de presse de Suisse Tamedia.
Togo
Victoire Tomegah Dogbé, née en 1959 à Lomé, dans la région maritime, est Première ministre depuis 2020, après avoir été ministre du Développement, de l’Artisanat, de la Jeunesse et de l’Emploi des jeunes. Première femme à occuper cette fonction au Togo, elle dirige un gouvernement qui compte trois fois plus d’hommes que de femmes.
Titulaire d’une maitrise en sciences économiques et gestion, Victoire Tomegah Dogbé, après des études à l’international, commence sa carrière au sein de l’industrie togolaise des plastiques. Elle sera responsable du réseau Shell au Togo. Sur le terrain diplomatique, elle fait ses armes au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Togo, Congo-Brazzaville, Burkina Faso et Bénin. Victoire Tomegah Dogbé est membre du parti présidentiel UNIR ; à ce titre elle a coordonné la campagne présidentielle dans plusieurs de quartiers de Lomé.
Wallonie-Bruxelles
Née en 1980, Elisabeth Degryse est ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis juillet 2024. Licenciée en sciences politiques, elle est l’une des figures de l’ancien parti social-chrétien, devenu « Les Engagés ». Elle a été la collaboratrice du député bruxellois Denis Grimberghs avant de devenir cheffe de cabinet adjointe de Joëlle Milquet, vice-Première ministre en charge de l’Emploi dans le gouvernement Leterme.
Albanie : un gouvernement majoritairement féminin
Mention spéciale pour un petit pays des Balkans enclavé entre la Grèce, la Macédoine du Nord, le Kosovo et le Montenegro, et membre de plein droit de l’Organisation internationale de la francophonie, avec environ 30 000 locuteurs. Le chef de l’Etat albanais, Edi Raman, orchestre un cabinet composé de 6 hommes pour 10 femmes, dont la vice-Première ministre et Ministre d’Etat pour la Reconstruction, le Programme de réformes, les Infrastructures et l’Energie, Belinda Balluku.
Et parmi les sept pays membres associés de l’OIF ?
Un seul membre associé de l’Organisation, internationale de la francophonie est dirigé par une femme. Un petit pays des Balkans…
Kosovo
Depuis 2021, Vjosa Osmani est la première présidente de l’histoire du Kosovo.
Cette juriste a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille ; elle est particulièrement populaire auprès des jeunes et des femmes, qui voient en elle une source d’inspiration contre le patriarcat. Son élection confirme la montée en puissance des femmes sur la scène politique de ce petit pays des Balkans, où seulement deux ministres sur quinze sont des femmes. Les Kosovares comptent beaucoup sur leur présidente pour promouvoir la lutte contre les violences de genre encore très présentes dans la société kosovare.
Femmes au pouvoir dans les 27 pays observateurs de l’OIF
Géorgie
Salomé Nino Zourabichvili, présidente de la Géorgie depuis 2018, est la première femme à être élue à la tête de ce petit pays du Caucase. Née en 1952 à Paris de parents géorgiens réfugiés du stalinisme, elle est aussi la première parmi les chefs d’Etat géorgiens à afficher une double origine, géorgienne et… française. Polyglotte après des études à l’international, elle a été ambassadrice de France à Tbilissi.
En 2004, Mikhaïl Saakachvili la convainc de s’installer en Géorgie en lui confiant le ministère des Affaires étrangères ; il lui accorde alors la nationalité géorgienne. Elle renoncera à la nationalité française pour se présenter à la présidentielle en Géorgie en 2018, même si elle reste « la femme de deux pays« .
Lettonie
Evika Siliņa, née en 1975, est Première ministre depuis 2023. Après Laimdota Straujuma, entre 2014 et 2016, elle est la deuxième femme à occuper ce poste en Lettonie. Après une carrière d’avocate, elle devient secrétaire parlementaire au ministère de l’Intérieur, puis auprès du Premier ministre qui la nomme ministre du Bien-être social en 2022. Elle affiche clairement ses positions en faveur de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
Lituanie
L’actuelle Première ministre lituanienne est, depuis 2020, l’indépendante de centre droit Ingrida Simonyte. Titulaire d’un master de finances de l’université de Vilnius, elle a effectué toute sa carrière au sein de l’administration du ministère des Finances, après avoir été directrice des impôts pendant cinq ans. A la tête de l’Etat, elle appelle les pays occidentaux à « ne pas trembler » face à la menace russe.
Mexique
Avec plus de 58% des voix, Claudia Sheinbaum devient, en juin 2024, la première femme élue à la tête du Mexique, un pays de 127 millions d’habitants de tradition très patriarcale. Un pays où l’on recense près de 10 féminicides par jour. Scientifique de formation, l’ancienne maire de Mexico a battu dans les urnes une autre femme, Xotchitl Galvez.
En 2022, à Djerba pour le 18e sommet international de la francophonie,Terriennes posait trois questions à Madina Tall, alors porte-parole du Parlement des jeunes francophones.
Terriennes : 13 femmes dirigeantes sur la totalité des pays membres ou observateurs de l’OIF, soit 88 pays, comment dire, c’est peu…
Madina Tall : Ce n’est pas beaucoup, c’est sûr ! Et surtout, ce n’est pas représentatif du tout du potentiel et des capacités des femmes. Quand on pense que la plupart des femmes, par exemple en Afrique, sont intellectuelles, élitistes et qu’elles agissent dans des domaines variés comme l’entrepreneuriat, le développement, le climat.
Au sein du Parlement des jeunes francophones, appliquez-vous la parité ?
« Oui, bien sûr, le premier préalable à la participation des candidats au parlement des jeunes, c’est une fille/un garçon. C’est sans compromis et c’est très clair au sein de l’APF ».
Souvent, on entend dire que, pour pouvoir nommer des femmes à des postes de haute responsabilité, il faut d’abord en trouver… Qu’en pensez-vous ?
C’est une phrase qui me choque, et qui n’est pas du tout réaliste. Les femmes sont là, ce n’est pas un problème de compétences, mais l’ordre de notre société veut que l’homme ait une place prédominante par rapport aux femmes. Aujourd’hui, on n’est plus du tout dans cette mouvance. Les femmes s’affirment de plus en plus, décident de s’engager et de faire en sorte d’accéder à des postes de pouvoir. Il s’agit d’offrir un meilleur environnement pour que les femmes aient une place et obtiennent des postes à responsabilité.
Et quand une femme arrive au pouvoir, ça change des choses, car elle aura à coeur de fémininiser les instances, ainsi qu’à les rajeunir. La gouvernance des femmes est meilleure que celle des hommes, il faut avoir le courage de le dire.
Source: https://information.tv5monde.com