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Alors que le monde est « une poudrière », le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a appelé mardi à ne pas baisser les bras et à relever les défis en luttant contre l’impunité, les inégalités et l’incertitude, à l’ouverture du débat général de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York.

« L’état dans lequel se trouve notre monde n’est pas viable. On ne peut pas continuer ainsi », a affirmé le chef de l’ONU dans un discours prononcé à la tribune de l’Assemblée générale.

Selon lui, il est possible de relever les défis auxquels nous sommes confrontés, mais pour cela, il faut s’assurer que les mécanismes de règlement des problèmes internationaux permettent bel et bien de régler les problèmes.

Le Sommet de l’avenir, qui s’est déroulé juste avant le débat, les 22 et 23 septembre 2024, « est un premier pas, mais le chemin à parcourir est encore long », a-t-il dit.

Impunité, inégalités et incertitude

D’après le Secrétaire général, il faut s’attaquer à trois grands facteurs de l’insoutenabilité : un monde d’impunité – dans lequel les violations et les atteintes menacent le fondement même du droit international et de la Charte des Nations Unies ; un monde d’inégalités – où les injustices et les griefs auxquelles elles donnent jour menacent d’affaiblir les pays, ou pire, de les précipiter dans le gouffre ; et un monde d’incertitude – où les risques mondiaux ne sont pas gérés, ce qui hypothèque notre avenir, bien au-delà de ce que l’on peut imaginer. 

« Aujourd’hui, un nombre croissant de gouvernements et d’autres acteurs se sentent autorisés à bénéficier, comme au Monopoly, d’une carte ‘Vous êtes libéré de prison’. Ils peuvent fouler aux pieds le droit international. Ils peuvent violer la Charte des Nations Unies. Ils peuvent ignorer les conventions internationales relatives aux droits humains ou les décisions des tribunaux internationaux. Ils peuvent bafouer le droit international humanitaire. Ils peuvent envahir un autre pays, dévaster des sociétés entières ou mépriser complètement le bien-être de leur propre peuple. Sans que rien ne se passe », a dénoncé le chef de l’ONU.

« Partout ‒ au Moyen-Orient, au cœur de l’Europe, dans la Corne de l’Afrique et au-delà ‒ c’est l’ère de l’impunité », a-t-il ajouté.

Il a cité la guerre en Ukraine, qui « s’étend » alors que « rien n’indique qu’elle va s’arrêter », le conflit à Gaza, qui « vit un cauchemar permanent », et le risque d’escalade au Moyen-Orient, à commencer par le Liban qui est « au bord du gouffre ».

Hommage à l’UNRWA

Le chef de l’ONU a rendu un « hommage appuyé » à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) et à tous les humanitaires à Gaza. Il a demandé à la communauté internationale de se mobiliser « pour obtenir un cessez-le-feu immédiat, la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages et le lancement d’un processus irréversible pour qu’une solution des deux États voie le jour ».

Il a également cité la guerre au Soudan, où « une catastrophe humanitaire est en train de se produire », le Sahel affecté par « l’expansion dramatique et rapide de la menace terroriste », mais aussi le Myanmar, la République démocratique du Congo, Haïti et le Yémen, où « les populations restent exposées à des violences et des souffrances effroyables, sur fond d’incapacité chronique à trouver des solutions ».

Selon lui, « l’instabilité que l’on observe en de nombreux endroits du monde est la conséquence de l’instabilité des relations de pouvoir et des clivages géopolitiques ».

« Nous ne vivons… plus dans un monde unipolaire. Nous sommes en train de passer à un monde multipolaire, mais nous n’y sommes pas encore. Nous sommes en fait dans le purgatoire de la polarité. Et dans ce purgatoire, de plus en plus de pays occupent les espaces laissés vides par les divisions géopolitiques et font ce qu’ils veulent sans avoir à rendre de comptes », a-t-il ajouté. « C’est pourquoi il est plus important que jamais de réaffirmer la Charte, d’appuyer et de respecter le droit international et de renforcer les droits humains ».

Des jeunes femmes originaires de la République démocratique du Congo.
© UNHCR/Antoine Tardy
Des jeunes femmes originaires de la République démocratique du Congo.

Inégalités : les femmes les plus lésées

S’agissant des inégalités, le Secrétaire général a observé que le monde « peine encore à se relever de la flambée des inégalités engendrée par la pandémie » de Covid-19, alors que parmi les 75 pays les plus pauvres du monde, un tiers d’entre eux se trouve aujourd’hui dans une situation pire qu’il y a cinq ans.

« Au cours de la même période, les cinq hommes les plus riches de planète ont plus que doublé leurs fortunes. Et 1% des habitants de la planète détient 43 % de l’ensemble des avoirs financiers mondiaux », a déploré le chef de l’ONU, notant également qu’au niveau national, « certains gouvernements décuplent les inégalités en accordant des cadeaux fiscaux massifs aux entreprises et aux ultra-riches — au détriment des investissements dans la santé, l’éducation et la protection sociale ».

Et personne n’est plus lésé que les femmes et les filles du monde entier, a-t-il souligné, observant que la discrimination et les abus généralisés fondés sur le genre constituent l’inégalité la plus répandue dans toutes les sociétés.

Dans certains pays, les lois sont utilisées pour menacer la santé et les droits reproductifs et en Afghanistan, les lois sont utilisées pour entériner l’oppression systématique des femmes et des filles, a dénoncé M. Guterres.

Il a aussi déploré que moins de 10% des intervenants au débat général de l’Assemblée générale sont des femmes. « C’est inacceptable, surtout quand on sait que l’égalité entre les femmes et les hommes contribue à la paix, au développement durable, à l’action climatique et bien plus encore », a-t-il dit.

Réformer les institutions internationales

Selon le Secrétaire général, les inégalités mondiales se reflètent et se renforcent jusque dans les organisations internationales.

Prenant l’exemple du Conseil de sécurité des Nations Unies, il a déploré qu’à ce jour, l’Afrique n’a toujours aucun siège permanent en son sein.

Il a aussi demandé une réforme l’architecture financière internationale, jugeant que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) « ne sont plus en mesure de fournir un filet de sécurité mondial, ni offrir aux pays en développement le niveau de soutien dont ils ont tant besoin ».

Dans les pays les plus pauvres du monde, le coût des intérêts de la dette dépasse, en moyenne, le coût des investissements dans l’éducation, la santé et les infrastructures publiques réunis, a-t-il noté.

Le Secrétaire général a estimé que les pays du G20 devaient montrer l’exemple sur le Plan de relance des Objectifs de développement durable.

Il a toutefois dit qu’il ne se faisait guère d’illusions sur les obstacles rencontrés dans le cadre de la réforme du système multilatéral, mais a estimé que « sans réforme, la fragmentation est inévitable, condamnant les institutions mondiales à perdre en légitimité, en crédibilité et en efficacité ».

En République démocratique du Congo, des inondations dans la capitale, Kinshasa, ont été liées au changement climatique (photo d'archives).
© UNOCHA/Wassy Kambale
En République démocratique du Congo, des inondations dans la capitale, Kinshasa, ont été liées au changement climatique (photo d’archives).

Changement climatique

S’agissant de l’incertitude qui affecte le monde, António Guterres a estimé qu’elle était aggravée par deux menaces existentielles : la crise climatique et les bouleversements technologiques rapides, notamment l’intelligence artificielle.

Alors qu’on assiste à un « véritable effondrement du climat », « ce sont les pays les plus pauvres et les plus vulnérables qui paient le prix fort ». « Mais si le problème s’aggrave, les solutions que l’on y apporte deviennent plus efficaces », a estimé le chef de l’ONU, prenant l’exemple des énergies renouvelables.

Alors que la prochaine Conférence des Nations Unies sur le climat, la COP29, « arrive à grands pas », il a jugé qu’elle devait être l’occasion de fixer un nouvel objectif ambitieux en matière de financement.

Il a aussi demandé aux pays du G20 de mettre fin aux subventions et aux investissements liés aux combustibles fossiles et de financer à la place une transition énergétique juste.

Visualisation de l'intelligence artificielle combinant un schéma du cerveau humain avec un circuit imprimé.
Public Domain
Visualisation de l’intelligence artificielle combinant un schéma du cerveau humain avec un circuit imprimé.

Où nous mène l’intelligence artificielle ?

Le Secrétaire général a noté que l’essor rapide des nouvelles technologies est une autre « menace existentielle » dont les conséquences sont imprévisibles. « Nous savons que l’intelligence artificielle progresse rapidement, mais où nous mène-t-elle ? », s’est-il interrogé.

« Faute de mesures mondiales pour en gérer le déploiement, l’intelligence artificielle risque d’engendrer des divisions artificielles dans tous les domaines, de donner lieu à une grande fracture entre deux Internets, deux marchés et deux économies et, ainsi, de faire naître une situation où chaque pays serait contraint de choisir un camp, ce qui serait lourd de conséquences pour l’humanité tout entière », a-t-il déclaré.

Rappelant que l’ONU est une instance universelle de dialogue et de consensus, il a estimé qu’elle était particulièrement bien placée pour promouvoir la coopération en ce qui concerne l’intelligence artificielle, sur la base des valeurs de la Charte et du droit international.

Il a salué les premières mesures importantes qui ont été prises, notamment les deux résolutions de l’Assemblée générale, le Pacte numérique mondial et les recommandations de l’Organe consultatif de haut niveau sur l’intelligence artificielle. 

Source:https://news.un.org/fr/