Telle est la question à laquelle les députés français ont dit oui. Ils ont adopté en première lecture une proposition de loi intégrant le non-consentement à la définition pénale du viol, une modification à la portée symbolique forte mais qui divise juristes et associations féministes.
Faut-il inscrire la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol ? La question est désormais entre les mains du Sénat. Mardi 1er avril 2025, les députés français ont dit oui à la modification de la loi, avec 161 voix pour et 56 voix contre. Les députés du Rassemblement national, du groupe ciottiste UDR, et certains députés socialistes s’y sont opposés.
« Je crois que ce soir, collectivement, nous avons acté que nous passions de la culture du viol à la culture du consentement », s’est félicitée la co-rapporteure écologiste Marie-Charlotte Garin. « C’est une première pierre que nous lançons dans le mur de l’impunité. »
Quand on parle aux gens dans la rue, ils ne comprennent même pas qu’on n’ait pas le consentement inscrit dans la loi. Marie-Charlotte Garin, co-rapporteure du texte
« Je pense que la société est prête », estime la députée Marie-Charlotte Garin, co-rapporteure du texte. « Quand on parle aux gens dans la rue, ils ne comprennent même pas qu’on n’ait pas le consentement inscrit dans la loi. » Comme « illustré » lors du procès des viols de Mazan, la notion de consentement « est omniprésente dans les débats sociétaux et tout au long des débats judiciaires tout en étant absente du code pénal », constate avec elle, l’autre co-rapporteure du texte Véronique Riotton.
Le texte, signé également par les présidents des groupes macroniste et écologiste Gabriel Attal et Cyrielle Chatelain, propose « de combler ce silence de la loi en introduisant la notion de non-consentement dans la définition du viol et des agressions sexuelles ».
La notion de « non-consentement » au coeur du débat
A l’heure actuelle, selon le code pénal, le viol se caractérise par « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ».
Soutenue par le gouvernement, la proposition spécifie la notion de consentement pour permettre aux juges et enquêteurs de mieux apprécier son défaut. Le texte, bien qu’écrit à l’issue d’une année de travaux et auditions, a soulevé d’importantes réserves.
Une partie du monde judiciaire, comme par exemple le conseil de l’Ordre des avocats de Paris, ou des associations féministes, telle que Osez le féminisme, se sont inquiétés d’une possible inversion de la charge de la preuve : reviendra-t-il aux plaignants de prouver qu’ils ne sont pas consentants ?
Vers un consentement « libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable »
Une crainte balayée par le Conseil d’Etat dans un avis rendu début mars, pour qui l’enquête ne sera « évidemment pas dirigée vers le plaignant » mais « vers l’auteur ». La haute juridiction administrative a émis une série de remarques rédactionnelles, suggérant une formulation – « le consentement doit être libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable » – assortie de précisions sur l’interprétation du silence et de l’absence de résistance.
Les deux auteures de la proposition ont déposé des amendements pour « intégrer les modifications rédactionnelles du Conseil d’Etat » qui a « rassuré énormément d’inquiétudes », affirme à l’AFP Marie-Charlotte Garin.
Consentement, une notion « instrumentalisée » ?
Une poignée d’élus socialistes ont toutefois déposé des amendements pour s’opposer à cette réécriture.
Je suis très très choquée en tant que juriste qu’on définisse un crime par l’attitude de la victime. Colette Capdevielle, députée socialiste
« Je suis très très choquée en tant que juriste qu’on définisse un crime par l’attitude de la victime », s’indigne la députée socialiste Colette Capdevielle. « Le droit pénal, c’est d’abord définir le comportement d’un auteur, pas celui d’une victime », selon elle.
Si 21 députés socialistes ont voté pour, 9 s’y sont opposés, dont Céline Thiébault-Martinez, selon qui « personne ne peut dire que cette proposition de loi aura l’effet attendu, à savoir une meilleure reconnaissance des victimes ». Elle redoute que l’initiative ne « pénalise encore plus les victimes », qui se trouveront interrogées « d’abord et avant tout sur leur consentement ».
La définition actuelle « n’empêche pas que les victimes soient au cœur du débat, avec en plus une instrumentalisation de la notion de consentement, qui est partout mais qui n’est pas clairement définie », rétorque Marie-Charlotte Garin.
« Un changement de mentalité »
La loi « a un rôle à jouer dans les efforts collectifs pour remplacer la culture du viol », défendent les deux autrices du texte.
La loi a un rôle à jouer dans les efforts collectifs pour remplacer la culture du viol. Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, députées, autrices du texte
Selon elles, la « terminologie utilisée » dans la loi actuelle contribue au maintien d’un stéréotype « sur ce qu’est une ‘bonne’ victime – qui résiste, se débat, est exemplaire dans son comportement -, et un ‘vrai’ viol – avec violence et contrainte, par un monstre ou un étranger ». Pour Marie-Charlotte Garin, il « y a une attente forte des Français d’un changement de la loi », après le procès des viols de Mazan.
Quelques dizaines de femmes se sont rassemblées lors du vote à l’Assemblée à l’appel de mouvements féministes. Il est « important de montrer qu’une partie des féministes est avec les parlementaires », a estimé Sarah Durocher, présidente du Planning familial, pour qui le texte reflète « un changement de mentalité ».
Source:https://information.tv5monde.com/terriennes/definition-du-viol-faut-il-integrer-la-notion-de-consentement-2767764