C’est dans une situation difficile qu’une fois de plus le « Festival de paix » dit festival Amani a eu lieu dans l’Est de la République démocratique du Congo. Du 10 au 12 février 2023, ce grand rendez-vous culturel s’est vu délocalisé dans la ville de Bukavu au Sud-Kivu à cause de l’insécurité qui prévaut dans la province du Nord-Kivu.
Une occasion pour les habitants de la ville de Bukavu de pouvoir revendiquer la paix et la cohabitation pacifique à travers la musique et la danse.
Cette année, ONU Info est allé à la rencontre des femmes et des filles entrepreneures qui travaillent dur tous les jours pour prouver à la société congolaise leur savoir-faire mais aussi leurs compétences artistiques. Ces femmes entrepreneures nous ont parlé de leurs motivations, les problèmes auxquelles elles font face mais aussi de leurs projets pour l’avenir.
Produire du riz de qualité
Anne Mushigo est coordinatrice de l’association « Nyange Nyange » une structure qui produit du riz de qualité provenant des riziculteurs locaux de la plaine de la Ruzizi. C’est une association créée par des consommateurs de riz, des organisations de la société civile et certains services de l’Etat qui œuvrent dans l’agriculture. Dans son stand, Anne expose plusieurs sacs de riz de 5, 10 et 25 kg qu’elle propose aux festivaliers dans le but d’assurer une bonne nutrition aux consommateurs. D’après elle, l’appellation « Nyange-Nyange » vient d’un oiseau blanc et propre connu dans la province du Sud-Kivu.
« Nous sommes une association qui proposons du riz de qualité appelé Nyange-Nyange. C’est un riz blanc, propre et homogène. Il possède également un pouvoir gonflant et ne contient pas de produits chimiques. L’inspiration nous est venu lorsque nous avons remarqué que les habitants de Bukavu se contentaient de consommer le riz en provenance des pays étrangers sans goût et qui se vend à moindre coût. Nyange-Nyange est arrivé sur le marché pour pousser la population à acheter et à consommer un riz produit sur place dans le but de promouvoir les coopératives de la plaine de la Ruzizi », a déclaré Anne Mushigo.
Lutter contre la malnutrition
Nous avons rencontré Naomi Kashibura, 21 ans. Elle est étudiante à l’Université évangélique en Afrique de Bukavu, option technologie alimentaire. Elle suit un programme de mentorat au Centre d’excellence Denis Mukwege. Elle est parmi les vingt jeunes filles de l’Université évangélique en Afrique qui font parties du département d’académie de compétence qui a pour but d’accompagner les filles excellentes à l’université à accomplir leurs rêves. Naomie est l’une de ses filles. Elle a créé son entreprise dénommée « SE’ZI » qui signifie le matin en langue mashi car elle a l’intention de proposer de la nourriture consommée uniquement le matin. Ici au festival Amani elle expose des paquets de farine destinée aux enfants atteint de malnutrition.
« J’aime les enfants et j’aime prendre soins des enfants. L’idée de créer cette farine est venu lorsque je voyais les enfants de la ville de Bukavu et ceux de la province du Sud-Kivu souffrir de la malnutrition. Pour lutter contre ce fléau, j’ai mis en place une formule qui permettra aux enfants de pouvoir retrouver une meilleure santé. Cette bouillie est efficace car elle est constituée de céréales (riz et maïs), de soja et de farine de cacao produite localement. C’est vrai que sur le marché il y a d’autres bouillies destinées aux enfants mais la qualité est parfois douteuse », a dit Naomi Kashibura.
La malnutrition chronique touche 53% des enfants au Sud-Kivu selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, l’UNICEF. La situation nutritionnelle des enfants reste mauvaise. Dans la province du Sud-Kivu, 43% des enfants de moins de cinq ans sont mal nourris.
Couturière et vendeuse
Francine Kajuru est couturière et vendeuse de pagnes wax en gros et au détail dans la ville de Bukavu. Dans son travail de tous les jours, elle collabore avec une trentaine de femmes qui l’aide à écouler les wax dans différents points de vente de Bukavu. Ces femmes à leur tour gagnent un peu d’argent qui les aide à subvenir aux besoins de leurs familles.
Au festival Amani, elle expose des pagnes de marque « Zilipendwa » et « Hitarget » exportés de la Chine qu’elle propose aux festivaliers à un prix abordable.
Un savon fabriqué à base de café
Dans le domaine agricole, Solange Kahiriri Kwinja est la seule entrepreneure qui propose aux festivaliers de Bukavu un savon antiseptique fabriqué à base de café. Elle propose également une dégustation de café arabica pendant les trois jours du festival Amani. Une façon pour elle de faire découvrir le café du Kivu à la population.
Solange a été attirée par le secteur agricole après avoir vu beaucoup de femmes et de jeunes qui constituaient la main-d’œuvre. Elle collabore avec 1.500 femmes de Kalehe, Walungu et Lubarika dans la plaine de la Ruzizi au Sud-Kivu. Elle encadre également 20 jeunes qui se sont spécialisés dans la transformation du café à Bukavu. Pour une coopérative qui a produit 10 tonnes de café à Kalehe en 2022, Solange rappelle qu’elle a besoin d’exporter son café sans passer par des acheteurs locaux car la population congolaise n’est pas en mesure de consommer toute sa production.
Solange Kwinja est présidente du conseil d’administration de la société coopérative agricole Heshima au Sud-Kivu. Heshima Coffee est une coopérative qui s’occupe de la production et la transformation du café de spécialité arabica dans le territoire de Kalehe, Walungu et le café robusta à Lubarika dans la plaine de la Ruzizi au Sud-Kivu.
A défaut de pouvoir faire taire les armes dans l’Est de la RD Congo, le festival Amani fait entendre les aspirations de la jeunesse et plus largement de la population fatiguée et martyrisée par près de 30 ans de guerre. Dans ce contexte, les jeunes n’hésitent pas à entreprendre et à lutter pour le développement de leur pays.
Ce reportage a été réalisé par Esther N’sapu, correspondante d’ONU Info en République démocratique du Congo
Source:news.un.org