Devant le Conseil de sécurité lundi 13 février 2023, Virginia Gamba, Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, a déploré le niveau toujours élevé des violations touchants les enfants dans les conflits et appelé à une meilleure approche de la prévention pour les enfants les plus vulnérables.
Cette approche consisterait en une évaluation des facteurs de risque pour ces enfants, des pourparlers avec les parties aux conflits et une stratégie coordonnée des partenaires humanitaires et des organisations régionales.
Rappelant que 25 situations sont actuellement suivies dans le cadre du programme des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés, la Représentante spéciale a noté que la prévention des conflits et le maintien de la paix, comme le prévoit la résolution 2427 de 2018 du Conseil, n’ont « jamais été aussi pertinents et urgents ».
Elle a aussi souligné la priorité donnée par le Secrétaire général dans sa récente allocution à l’Assemblée générale, sur la nécessité d’une vision holistique du continuum de la paix qui identifie les causes profondes des conflits et, selon ses propres termes, « investit dans la prévention pour éviter les conflits en premier lieu, se concentre sur la médiation, fait progresser la consolidation de la paix et inclut une participation beaucoup plus large des femmes et des jeunes ».
Un niveau de violations scandaleusement élevé
Virginia Gamba a regretté que selon les données récentes, les tendances en matière de violations commises contre des enfants demeurent à un « niveau scandaleusement élevé ».
En 2021, dernière année de référence, les Nations Unies ont vérifié près de 24.000 violations graves commises contre des enfants, essentiellement des meurtres et les mutilations, le recrutement et l’utilisation, et trois refus d’accès humanitaire ainsi que des enlèvements.
Certaines informations pour son prochain rapport pour 2022 confirment que ces tendances se poursuivent, ce qui rend plus nécessaire que jamais non seulement de documenter et vérifier les violations et les sévices mais aussi d’améliorer la compréhension et l’identification des risques et des vulnérabilités préexistants pour les enfants, essentielles pour les protéger et prévenir les violations de leurs droits une fois qu’un conflit aura éclaté.
Les facteurs de risques sont connus
La Représentante spéciale a ajouté qu’au vu de l’expérience des programmes de réintégration, et de ses propres recherches, les enfants les plus vulnérables aux violations graves sont ceux qui manquent d’éducation ou de moyens de subsistance, qui sont dans des situations de pauvreté et de déplacement, ou sont handicapés, entre autres facteurs de risque.
« Ils sont plus exposés au recrutement et au réenrôlement par des groupes armés et à d’autres risques tels que la violence sexiste en temps de guerre, ainsi qu’au danger d’être emmenés au-delà des frontières et de devenir victimes de la traite », a-t-elle précisé. D’où la nécessité, selon elle, d’un suivi des risques particuliers auxquels ces enfants sont confrontés, une optique intersectionnelle qui prendrait en compte les stéréotypes sexistes et les normes socioculturelles sources de violences sexuelles, autant que d’autres circonstances, telles que que l’âge, le handicap et le déplacement en tant que facteurs de risque plus élevé.
« Toute personne âgée de moins de 18 ans doit être reconnue comme un enfant, car les enfants ont droit à une protection spéciale en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, en particulier en vertu de la Convention relative aux droits de l’enfant », a déclaré Mme Gamba. « S’attaquer durablement à la situation des enfants déjà confrontés à d’autres formes de violence et d’abus, et s’attaquer comme il convient aux principaux facteurs de recrutement, nous aide à briser l’occurrence et la récurrence des conflits ».
Des outils existent et doivent être renforcés
Virginia Gamba assure que le programme de l’ONU pour les enfants dans les conflits armés dispose déjà d’outils et d’initiatives robustes pour protéger les enfants contre les violations graves. Sa force a été le dialogue avec les parties au conflit, avec des centaines d’engagements, dont 41 plans d’action, mis en place par les parties belligérantes pour mieux protéger les enfants depuis le début du mandat, et son attention à nombre d’initiatives de prévention.
Sollicitant l’appui du Conseil de sécurité pour un renforcement des capacités de ces programmes, elle a cité les plans de prévention aux Philippines, en République centrafricaine, en Colombie, au Mali et au Soudan. Elle s’est félicité que les plans d’action existants au Soudan du Sud et au Yémen contiennent également des éléments de prévention et à souligné le travail des organisations régionales telles que l’Union africaine et la Ligue des États arabes dans ce domaine.
Virginia Gamba a noté que 172 États parties ont ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, les Principes de Paris, les Principes de Vancouver et la Déclaration sur la sécurité dans les écoles ont chacun été approuvés par plus d’une centaine d’États membres.
Nécessité de stratégies dotées de capacités suffisantes
« Mais il reste encore beaucoup à faire », a-t-elle rappelé, en encourageant des stratégies nationales ou des approches communes de la prévention, également aux niveaux sous-régional et régional, dotées de capacités suffisantes pour les Etats intéressés.
Elle a aussi sollicité de meilleures pratiques en matière d’échange d’informations qui pourrait également inclure une cartographie coordonnée des vulnérabilités sur le terrain en étroite collaboration avec les entités des Nations Unies, et le déploiement d’experts de la protection de l’enfance avec l’aide de l’ONU.
Cet effort s’illustre par un partenariat entre le Bureau de Virginia Gamba consacré aux enfants dans les conflits et celui de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question de la violence à l’encontre des enfants, Najat Maalla M’jid, afin de mieux traiter le continuum de la violence et d’anticiper les risques avant, pendant et après les conflits, tout en créant des systèmes d’alertes précoce.
« Le lien entre l’aide humanitaire, la paix et le développement chevauche la prévention, la protection, la consolidation de la paix et la reconstruction post-conflit et devrait être mieux compris », constate-t-elle.
La Représentante spéciale a mentionné son appel, en octobre dernier, à la Troisième Commission de l’Assemblée générale pour que cet organe rassemble tous les outils et initiatives existants concernant les enfants et les conflits armés dans un cadre international global en vue de mieux protéger les enfants et de prévenir les violations. Elle dit espérer que sa demande sera entendue.
Najat Maalla M’jid a souligné pour sa part que si « les enfants qui ne jouent aucun rôle dans le conflit souffrent le plus de ses conséquences », cela « n’est pas inévitable ».
« Ce n’est qu’en investissant dans des systèmes nationaux intégrés de protection de l’enfance que nous pourrons garantir des mesures de prévention proactives efficaces », a ajouté la responsable onusienne.