Des efforts sont faits dans le sud de Madagascar pour mettre fin à une pratique traditionnelle mais illégale dans laquelle les filles sont promises en mariage à des hommes plus âgés, parfois même avant leur naissance.
Le mariage arrangé implique généralement l’échange de vaches zébu, très prisées et culturellement importantes, contre des adolescentes âgées d’à peine 13 ans.
Aujourd’hui, deux agences des Nations Unies, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’agence des Nations Unies spécialisée dans la santé sexuelle et reproductive (UNFPA), collaborent avec les autorités locales pour sensibiliser les femmes et les hommes, par le biais de séances axées sur la masculinité positive, aux dangers de cette pratique et à la manière de traiter les femmes sur un pied d’égalité.
Lehilahy Modely a participé à l’une de ces séances dans le village d’Ifotaka, dans le district d’Amboasary de la région d’Anosy, à Madagascar.
Daniel Dickinson d’ONU Info s’est entretenu avec lui à Ifotaka à l’approche de Journée internationale de la femme, célébrée chaque année le 8 mars.
Violences à l’égard des femmes et des filles
« Je suis ici aujourd’hui dans un petit espace de réunion villageois avec environ 30 autres hommes pour comprendre et discuter de tous les types de violence perpétrés contre les femmes et les filles.
Nous devons choisir parmi une sélection d’images pour décrire les différentes formes de violence des hommes à l’égard des femmes. J’ai choisi une image qui montre la silhouette d’un homme sur le point de frapper une femme, ce qui a donné lieu à une discussion sur les dommages physiques. Il y a également des images qui décrivent la violence sexuelle, psychologique et économique, ainsi que la maltraitance des enfants.
Les familles s’engagent dans cet échange en partie à cause de la tradition, mais surtout à cause de la pauvreté
L’un des plus grands défis que je vois dans ma région est la combinaison de la violence économique et de la violation des droits des filles avant même leur naissance. Des familles normalement très pauvres et vulnérables acceptent d’échanger leur fille à naître contre une vache zébu.
Le zébu est très important dans notre culture, car il est un signe de richesse et de respectabilité. Il est souvent au centre de nombreuses traditions. Par exemple, dans certains groupes ethniques, les garçons sont obligés de voler une vache avant d’être acceptés en tant qu’hommes dans la communauté. Un zébu est normalement sacrifié à l’occasion d’une naissance, d’une cérémonie de circoncision, d’un décès ou d’un mariage.
Cette pratique est très courante dans le sud de Madagascar et j’ai vu de nombreuses adolescentes, dont certaines n’avaient que 13 ans, forcées de quitter leur famille pour devenir la femme d’un homme plus âgé. Cet homme peut avoir d’autres femmes, car la polygamie est également pratiquée ici.
Les filles qui refusent cet arrangement sont souvent reniées par leur famille en raison de la honte que ces dernières éprouvent et j’ai entendu parler de cas de jeunes filles qui se sont suicidées.
Culture et pauvreté
L’homme paie souvent les frais de maternité de sa future épouse et soutient la famille par d’autres moyens jusqu’à ce qu’il reçoive la fille et lui présente le zébu. Les familles s’engagent dans cet échange en partie à cause de la tradition, mais surtout à cause de la pauvreté.
Je suis très frustré de voir cela et j’ai beaucoup d’empathie pour ces filles qui n’ont pas le choix et qui ne sont plus en mesure de vivre comme des enfants ou même d’aller à l’école.
Nous en avons parlé dans nos groupes de masculinité positive et la plupart des hommes comprennent que c’est à eux de faire le changement parce qu’ils sont les acteurs de la violence et de la subversion.
Trop de mes amis considèrent les femmes comme faibles et fragiles, leur témoignent peu de respect et ne sont pas intéressés par leur point de vue. Ces amis me considèrent comme faible et plaisantent sur le fait que je suis contrôlé par les femmes, simplement parce que j’essaie de promouvoir leur bien-être et leurs droits. Même si je ne suis pas d’accord, je suis resté ami avec eux.
Nous nous réunissons dans ce groupe une fois par mois. Les réunions comprennent également des informations sur la manière de signaler les incidents de violence à l’encontre des enfants. Ces cas sont référés au Centre Vonjy, un centre de soins intégrés pour les enfants victimes de violence dans la ville de Fort Dauphin.
Je constate aujourd’hui que certains hommes reconnaissent que nous devrions changer d’attitude et commencer à considérer que les femmes ont les mêmes droits que nous, ce qui, je pense, conduira à l’égalité.
Le changement ne viendra pas demain, mais les hommes doivent faire de leur mieux pour mettre fin à cette pratique culturellement acceptable mais illégale ».
Les groupes de masculinité positive
- Les groupes de masculinité positive sont organisés par l’UNICEF et ses partenaires dans dix villages de quatre communes de la région.
- L’UNFPA soutient des groupes de femmes qui complètent le travail des groupes d’hommes.
- Les groupes sont rassemblés en un même lieu où une série de services différents soutenus par l’ONU sont fournis, notamment des cliniques mobiles offrant des soins de santé et de maternité ainsi que des informations sur les questions de violence à l’égard des femmes.
Source:news.un.org