L’ancien président et plusieurs anciens responsables guinéens ont été reconnus coupables
(Bruxelles) – Le 31 juillet 2024, un tribunal en Guinée a condamné l’ancien président guinéen autoproclamé, Moussa Dadis Camara, et sept autres personnes, lors d’un procès historique pour des viols et des meurtres de manifestants commis en 2009, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. À la demande du parquet, le tribunal a également décidé de requalifier tous les chefs d’accusation de crimes ordinaires en crimes contre l’humanité. C’est la première fois que des crimes contre l’humanité sont poursuivis en Guinée.
Ce procès portant sur une attaque généralisée contre des manifestants pacifiques dans un stade de la capitale, Conakry, a captivé le pays. Il est le premier du genre concernant des violations des droits humains de cette ampleur en Guinée. Les juges ont reconnu Moussa Dadis Camara, Aboubacar Diakité (Toumba), et Moussa Tiégboro Camara (Tiégboro) coupables, en vertu du principe de responsabilité du supérieur hiérarchique, des crimes contre l’humanité de meurtres, enlèvements, violences sexuelles, et torture, entre autres. Ils ont condamné Dadis Camara et Tiégboro à 20 ans de prison et ont condamné Tomba à 10 ans d’emprisonnement.
« Ce verdict rend justice aux victimes et aux survivants qui attendaient ce moment depuis si longtemps, près de 15 ans après les exactions brutales du massacre du stade de 2009, dont les effets continuent de les hanter », a déclaré Tamara Aburamadan, conseillère juridique auprès du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Cette décision envoie un message fort et clair aux responsables de crimes graves en Guinée et ailleurs, selon lequel la justice est possible. Le procès devrait aussi permettre de tirer des leçons pour encourager les efforts de justice au niveau national dans le monde entier. »
Les juges ont également reconnu cinq autres personnes coupables d’avoir commis les crimes contre l’humanité allant de meurtres, à des violences sexuelles et à la torture, parmi d’autres crimes, et ont ordonné des peines allant de 10 ans à la prison à perpétuité. Les juges ont ensuite acquitté quatre hommes.
Les juges ont également statué sur les demandes de réparation et ont accordé entre un et trois milliards de francs guinéens (environ 115 000 à 345 000 dollars US) pour les différents groupes de victimes, notamment celles qui ont subi des traumatismes physiques et psychologiques.
Les avocats inscrits au Barreau de Guinée ont décidé de boycotter toutes les audiences dans tout le pays jusqu’au 31 juillet en signe de protestation contre la disparition forcée de membres de la coalition de l’opposition. Par conséquent, les avocats de la défense et les avocats des victimes n’étaient pas présents lors de la lecture du verdict aujourd’hui, selon la veille effectuée par Human Rights Watch.
Lors du massacre de 2009, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une manifestation pacifique. Plus de 150 personnes ont été tuées et des dizaines ont été violées. Les forces de sécurité ont ensuite dissimulé les faits en enterrant les corps dans des fosses communes. Le procès s’est ouvert le 28 septembre 2022 et a duré près de deux ans, pendant lesquels les juges ont entendu plus de 100 victimes, 11 accusés et plus d’une douzaine de témoins, notamment d’anciens responsables gouvernementaux de haut rang. Les condamnés disposent désormais de 15 jours, et le ministère public de deux mois, pour faire appel du verdict.
Les autorités guinéennes devraient renforcer les mesures de sécurité à la suite du prononcé du verdict afin de garantir la sécurité des victimes et des témoins, en particulier de ceux qui ont témoigné au cours du procès, et qui craignent d’éventuelles représailles, a déclaré Human Rights Watch.
« Ce procès national historique du massacre de 2009 est riche d’enseignements importants, non seulement pour la Guinée mais aussi pour d’autres gouvernements qui cherchent à rendre justice pour des crimes graves au regard du droit international » a conclu Tamara Aburamadan. « Le devoir d’enquêter et, le cas échéant, de poursuivre les crimes graves incombe d’abord et avant tout aux autorités nationales. Il est essentiel que les autorités nationales et leurs partenaires internationaux intensifient leurs efforts pour la poursuite de la justice. »
Source:hrw.org