Opinion
Par Ousmane Diagana, Vice Président de la Banque Mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale
« Éduquer une fille, c’est éduquer une nation. » Ce proverbe africain résonne avec les valeurs qui m’ont été transmises par mes parents et guide ma détermination à accompagner la région sur la voie du changement, à travers l’éducation et l’autonomisation des filles et des femmes.
L’adolescence est une période charnière dans la vie des jeunes filles. Des décisions prises en leur nom à cet âge peuvent avoir des effets durables sur leur santé, leurs compétences, les opportunités économiques qui se présenteront à elles et, également, sur leur capacité à se faire entendre et à prendre leur destin en main. Bien trop souvent, sont faits des choix qui les désavantagent. De nombreux facteurs interviennent dans le parcours des femmes les empêchant de réaliser leur plein potentiel. Il s’agit en particulier du faible niveau d’instruction, des mariages précoces du taux de fertilité élevé, et du manque d’accès aux services de planning familial, des opportunités professionnelles limitées, ainsi que des normes sociales et des lois restrictives.
Au cours de la dernière décennie, les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre ont accompli des progrès considérables pour accélérer l’égalité hommes-femmes, promouvoir l’éducation des filles, encourager les réformes juridiques, développer les opportunités d’activités génératrices de revenus, et de systèmes financiers plus inclusifs. La récente édition du rapport sur Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2023 souligne les progrès significatifs accomplis dans la région depuis l’an passé, avec notamment cinq de ses économies – le Bénin, la République du Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, et le Sénégal – ayant mis en œuvre des réformes juridiques réformatrices. Ainsi, la Côte d’Ivoire et le Gabon ont levé tout obstacle juridique relatif à l’emploi des femmes.
Cependant, nous savons que des progrès titanesques restent encore à accomplir pour faire disparaitre les contraintes rencontrées par les femmes et les filles dans tous les secteurs. Certaines statistiques demeurent préoccupantes : près de 6 filles sur 10 en Afrique de l’Ouest et du Centre ne fréquentent toujours pas l’école secondaire, 2 filles sur 10 ont leur premier enfant alors qu’elles sont encore adolescentes, et près de la moitié pensent qu’il est justifié pour un mari de battre sa femme. Dans la région, qu’elles soient agricultrices, salariées, ou entrepreneures, les femmes gagnent significativement moins que leurs homologues masculins. Et les effets prolongés de la pandémie de COVID-19, du changement climatique et des conflits risquent d’aggraver encore les inégalités existantes.
Nous savons depuis un certain temps déjà, que l’autonomisation des femmes stimule la croissance économique, leur offre des revenus pour investir dans la santé et l’éducation de leur famille, accroît la stabilité alimentaire et la résilience des ménages, et renforce leur pouvoir de décision au sein de leur foyer, de leur communauté et de leur société. Cependant notre action n’est pas encore suffisante : il nous faut redoubler d’efforts, pour en faire plus et viser plus haut.
C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale renforce son engagement afin d’accélérer l’égalité des genres à travers tous nos pays Nous venons de lancer un Plan d’action régional pour l’égalité en Afrique de l’Ouest et du Centre pour la période 2023-2027. En plaçant l’égalité femmes-hommes au cœur de nos efforts, nous entendons aider les pays à obtenir de meilleurs résultats autour de quatre priorités : 1) combler les écarts salariaux, 2) autonomiser les adolescentes et les femmes pour faire baisser le taux de fécondité, 3) atteindre l’égalité des sexes dans l’éducation de base, et 4) lutter contre les violences basées sur le genre.
Le Niger a par exemple réduit de moitié le nombre de filles en situation d’abandon scolaire et mariées avant d’avoir obtenu un diplôme, en offrant une allocation pour l’alimentation et le logement leur permettant d’être hébergées dans des familles d’accueil plus proches de leur école. Cette initiative a été rendue possible par le Projet axé sur l’autonomisation économique des femmes et le dividende démographique au Sahel (SWEDD). Cette intervention est à présent déployée au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Tchad. Elle vise à renforcer l’autonomie des femmes et des adolescentes en leur offrant un accès à une éducation de qualité ainsi qu’à des services de santé reproductive, infantile et maternelle.
Au Nigéria, l’Initiative pour l’apprentissage et l’autonomisation des adolescentes (AGILE) soutient l’éducation et l’autonomisation de 20 millions de jeunes filles et de mères à travers 18 États en proposant des formations aux adolescentes dans les écoles secondaires pour renforcer leurs compétences socio-émotionnelles et numériques, et améliorer leur apprentissage, leur santé sexuelle et reproductive, ainsi que leur niveau d’employabilité. Le projet AGILE collabore également avec des chefs religieux et traditionnels pour faire évoluer les normes sociales et construire des écoles plus proches des communautés qui en ont besoin.
Il s’agit de quelques exemples des avancées réalisées pour faire progresser l’égalité des genres et promouvoir une croissance inclusive à travers la région. Il nous faut aujourd’hui saisir les opportunités pour obtenir des résultats à grande échelle afin que demain soit équitable pour tous et toutes. Si l’adolescence est une période de grande vulnérabilité pour les filles, c’est aussi un moment idéal pour briser le cycle de la pauvreté et faire fructifier les efforts de développement. Éduquées et autonomes, les filles et les femmes prennent conscience de leur valeur et pourront contribuer à des économies durables, au bénéfice de leurs communautés et de toute l’humanité. Aidons ces filles et ces femmes à prendre leur plein essor et à entraîner avec elles tout le continent.
Source:allafrica.com