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Plus de 100 jours après que les combats ont éclaté au Soudan, plus de 3,3 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays et au-delà des frontières. Un nombre alarmant de violences sexistes à l’encontre des femmes et des jeunes filles a été répertorié et ces violences sont en augmentation, 4,2 millions de femmes et de jeunes filles y étant exposées.

Parmi les efforts pour lutter contre ce fléau, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), l’agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive, organise dans les centres de transit des sessions sur la menace de la violence sexiste.

A l’instar de celle organisée au centre de Bulukat, où l’UNFPA a recueilli des témoignages, publiés depuis Malakal, au Soudan du Sud.

Chaque jour, au centre de transit de Bulukat, l’UNFPA organise des sessions au sujet des risques de violence basée sur le genre. 85 personnes environ ont assisté à celle-ci, et y ont aussi été informées sur les services et l’aide disponible pour les surv…
© UNFPA Soudan
Chaque jour, au centre de transit de Bulukat, l’UNFPA organise des sessions au sujet des risques de violence basée sur le genre. 85 personnes environ ont assisté à celle-ci, et y ont aussi été informées sur les services et l’aide disponible pour les survivantes.

« Ma voisine Rose* est venue avec moi jusqu’à Renk, mais ses trois filles sont restées à Khartoum. Elle a plus tard appris qu’elles avaient subi un viol en réunion », raconte Martha*.

Martha était arrivée peu avant au port de Malakal, un point de passage central pour les personnes fuyant la violence au Soudan et voulant entrer au Soudan du Sud. Plus de 170.000 rapatrié·e·s et réfugié·e·s sont déjà arrivé·e·s à Malakal depuis que le conflit a éclaté le 15 avril dernier, et ce nombre ne fera qu’augmenter si la crise se poursuit.

On rapporte une forte augmentation de la violence sexuelle dans les zones soudanaises les plus touchées par le combat, ainsi que sur les axes de transit.

Le centre de transit de Bulukat, près du port, accueille actuellement 5.000 personnes rapatriées du Soudan du Sud. Les femmes et les filles qui vivent dans ce centre ont expliqué au personnel d’un espace sûr soutenu par l’UNFPA qu’elles avaient été témoins et/ou victimes de violences sexuelles endémiques à Khartoum et Omdourman.

Rose a décidé de prendre le risque de retourner à Khartoum pour rechercher ses filles. Elle en a retrouvé deux, brutalisées et en grande détresse, et s’est empressée de les amener à l’hôpital. Plus tard, elle a retrouvé sa benjamine sur le bord de la route, inconsciente après avoir été battue et violée. La jeune fille est morte peu après.

La douleur de Rose s’ajoute à celle de bien d’autres, car une fois de plus, les corps des femmes et de filles deviennent le champ de bataille d’un conflit qu’elles n’ont pas participé à déclencher.

L’UNFPA est à l’œuvre dans les États du Nil supérieur, d’Unité et de Bahr el Ghazal, pour faire en sorte que les rapatriées et les réfugiées puissent avoir accès à une aide de santé sexuelle et reproductive et à des services de prise en charge de la violence basée sur le genre. Les équipes travaillent sur le terrain dans des établissements de santé, des espaces sûrs pour femmes et filles et des centres polyvalents, qui proposent une aide médicale, juridique et psychosociale intégrée aux survivantes de violence basée sur le genre.

Un membre du personnel de l'UNFPA anime une session sur la menace de violence sexiste au centre de transit de Bulukat.
© UNFPA Sudan
Un membre du personnel de l’UNFPA anime une session sur la menace de violence sexiste au centre de transit de Bulukat.

Une violence qui ne connaît pas de frontières

La menace de violences supplémentaires plane sur les personnes qui fuient les combats, déjà terrifiées, pour continuer leur dangereux périple jusqu’à la frontière. La majorité d’entre elles passent au Soudan du Sud à Renk, dans l’État du Nil supérieur, par la route ou par bateau.

L’UNFPA organise des sessions de sensibilisation à la violence basée sur le genre et sur l’aide disponible pour les survivantes, au centre de transit de Bulukat. Environ 80 personnes y assistent chaque jour.

Lors de l’une de ces sessions, Ajak* a raconté que des blocus routiers avaient été mis en place sur la route menant à Renk, où l’on sépare les femmes des hommes au moment de les arrêter. Beaucoup de femmes ont rapporté avoir été agressées sexuellement, et ont déclaré qu’on leur avait dérobé leur argent, leurs vivres et leurs effets personnels.

Une fois la frontière franchie, ces femmes doivent faire face à une grave pénurie de nourriture, d’eau potable et de tous les produits d’hygiène. Les soins de santé sont rares, voire inexistants : une femme se souvient avoir vu une rapatriée accoucher sur le bateau qui les amenait à Renk.

Pourtant, Nyamal*, une autre rapatriée sud-soudanaise, précise à l’UNFPA que « même cette [situation] n’est pas aussi terrible que ce qui se passe à Khartoum et Omdourman  ».

Des millions de personnes sont confrontées à une multiplication et à une intensification des risques en tentant de fuir le Soudan pour sauver leur vie. Bien trop ont perdu des membres de leur famille et des proches sur la route, souvent même sous leurs yeux.

Des femmes vendent leurs habits et leurs effets personnels pour acheter de la nourriture, tandis que d’autres partent à la recherche de bois pour le feu qu’elles pourront revendre, ce qui les expose encore davantage aux prédateurs, car elles vont souvent loin, seules, dans la brousse déserte. Même celles qui vendent du thé sur le marché ou travaillent dans des restaurants sont en danger : les commerçants les exploitent et les forcent à avoir des rapports sexuels. La plupart des femmes et des enfants dorment dehors, car il n’y a pas de refuges proprement dits – cela augmente encore leur exposition à la violence et aux abus.

Il est probable que cette crise conduise à une hausse du nombre de cas de grossesses non intentionnelles et d’infections sexuellement transmissibles, qui viendront s’ajouter aux traumatismes physiques et psychologiques de milliers de personnes déjà en grande souffrance.

Des femmes enceintes ou ayant de jeunes enfants attendent leur rendez-vous dans une maternité de Port-Soudan.
© UNFPA/Sufian Adbul-Mouty
Des femmes enceintes ou ayant de jeunes enfants attendent leur rendez-vous dans une maternité de Port-Soudan.

Assurer l’accès aux services essentiels

Les combats qui sont toujours en cours au Soudan ont déjà déplacé plus de 3 millions de personnes ; 750.000 cherchent à fuir le conflit dans les pays voisins, parmi lesquelles 175.000 déjà arrivées au Soudan du Sud. Alors que les violences ne montrent aucun signe d’affaiblissement, le nombre de personnes quittant le Soudan dépassera sans doute le million d’ici octobre 2023.

On compte au Soudan plus de 530.500 femmes et filles en âge de procréer, dont environ 53.000 femmes actuellement enceintes. Près de 5.900 d’entre elles devront accoucher en plein chaos dans le mois qui vient. Cette crise expose également de plus en plus de femmes et filles (environ 4,2 millions aujourd’hui) à la violence basée sur le genre.

L’UNFPA a renforcé sa présence à la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud en déployant du personnel supplémentaire et en envoyant des fournitures de santé reproductive à Malakal et Bentui, notamment pour s’occuper de la santé maternelle et de la prise en charge clinique des cas de viol. Pendant la première quinzaine de juillet, un centre polyvalent de l’UNFPA a pu aider plus de 550 personnes grâce à des services liés à la violence basée sur le genre, dont 200 femmes et plus de 190 filles.

Bien qu’ils soient toujours opérationnels, ces services sont fortement surchargés, car de plus en plus de personnes arrivent, et les réserves s’amenuisent. Une aide d’urgence est nécessaire pour les femmes, les hommes, les garçons et les filles vulnérables, notamment pour celles et ceux qui sont affecté·e·s par la crise soudanaise.

Dans le cadre de sa réponse régionale soudanaise, l’UNFPA aura besoin de près de 2 millions de dollars pour aider le Soudan du Sud ces six prochains mois.

*Les prénoms ont été changés pour garantir l’anonymat et la protection des personnes

Source:news.un.org