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Rien à voir avec les petites peines prononcées en première instance

Comme prévu, la Cour d’appel de Rabat a prononcé, dans la nuit de jeudi à vendredi, des peines lourdes allant de 10 à 20 ans de prison ferme contre les trois accusés dans l’affaire du viol de la mineure Sana, laquelle affaire a mis en émoi toute une société.

En effet, le tribunal a condamné le premier accusé (A.D.) à 20 ans de prison ferme. Les deux autres prévenus (Y.Z.) et (K.A.) ont été, quant à eux, condamnés à des peines de 10 ans de prison ferme chacun. La Cour a également ordonné au premier accusé de verser à la partie civile une indemnité de 60.000 dirhams, et aux autres accusés de verser une indemnité de 40.000 dirhams chacun.

A rappeler que le Cour avait entendu en huis clos l’enfant-victime qui a confirmé avoir été violée par les trois criminels. Le tribunal a également entendu le témoin qui s’est présenté au tribunal avec une assistante sociale dans le cadre des procédures de d’accompagnement et de soutien.

De même, le tribunal a entendu les trois accusés, qui ont nié toutes les charges retenues contre eux. Dans sa plaidoirie, le représentant du Ministère public a considéré que «le jugement initial rendu dans cette affaire était correct en condamnant les accusés.

Cependant, nous ne sommes pas d’accord avec la Chambre criminelle de première instance dans son appréciation de la peine et sa décision de faire bénéficier les prévenus de circonstances atténuantes», réclamant dans ce cadre «le maintien du jugement préliminaire en termes de condamnation et l’imposition de la peine la plus sévère contre les accusés», a rapporté la MAP.

Pour sa part, la défense de la victime a appelé à porter la peine prononcée en première instance contre les prévenus à son maximum, et réclamé une indemnité mensuelle à titre de pension alimentaire au profit du nouveau-né jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la majorité.

Par ailleurs, la défense des prévenus a plaidé l’acquittement des trois accusés, et pour leur faire bénéficier de circonstances atténuantes.

Moulay Said El Alaoui

L’OFI s’est fortement mobilisée dans cette affaire, parce qu’il s’agit d’une question qui interpelle la société tout entière

L’affaire de la fille Sana a suscité l’indignation des associations féminines et des droits humains après une sentence considérée trop clémente de la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Rabat qui a condamné le 20 mars dernier à deux ans de prison trois hommes (âgés respectivement de 25, 32 et 37 ans) poursuivis pour «détournement de mineure» et «attentat à la pudeur sur mineure avec violence».

 
 

En vertu de ce verdict, l’un d’eux a été condamné à deux ans de prison ferme et les deux autres à deux ans, dont 18 mois fermes. «Le jugement rendu en appel a corrigé l’erreur d’appréciation des juges en première instance, et ce en veillant à la juste application de la loi, notamment en ce qui concerne les agressions sexuelles sur mineurs, comme c’est le cas de la fille de Tiflet, et en appliquant d’une manière appropriée les dispositions légales prévues par le Code pénal et qui tiennent compte de la situation de la victime mineure», a assuré l’avocat, Naoufal Bouamri dans une déclaration à Libé.

Par ailleurs, Naoufal Bouamri a affirmé qu’«il est difficile d’expliquer les raisons pour lesquelles le tribunal a rendu un jugement clément en première instance, mais les motifs évoqués par le tribunal de première instance sont d’un point de vue juridique erronés et contra legem, notamment quand le tribunal a décidé de faire bénéficier les accusés de circonstances atténuantes, ce qui a suscité la colère de la société et la protestation des organisations des droits humains», tout en appelant à «ouvrir un débat sur la logique juridique qui a été adoptée pour prononcer une telle peine clémente afin de limiter l’impunité dans les cas de crimes graves tels que les agressions sexuelles contre les enfants».

«Le jugement rendu par la Cour d’appel de Rabat a rectifié le tir dans cette affaire qui a focalisé l’opinion publique nationale et internationale», a précisé pour sa part, l’avocat au barreau de Casablanca, Moulay Said El Alaoui, qui a été mandaté par l’Organisation des femmes ittihadies (OFI) pour assister au procès de la fille de Tifelt.

Naoufal Bouamri

Le jugement rendu en appel a corrigé l’erreur d’appréciation des juges en première instance, et ce en veillant à la juste application de la loi

«Il s’agit d’un jugement logique qui a rendu justice à la petite fille », at-il mis en avant dans une déclaration à Libé, ajoutant que l’OFI s’est fortement mobilisée dans cette affaire, parce qu’il s’agit d’une question qui interpelle la société tout entière.

A rappeler que l’Organisation des femmes ittihadies (OFI)s’est dit, dans un communiqué parvenu à Libé, «choquée» et «sidérée» par le 1er verdict qui n’a pas rendu justice à la victime ni réparé le préjudice qui lui a été causé», soulignant qu’«elle a été victime d’exploitation sexuelle et de viol à répétition parles trois monstres, près de Tiflet, ce qui a engendré la grossesse de la petite fille, comme le prouve l’expertise médicale, qui a confirmé la relation biologique entre l’un des accusés et le foetus».

L’OFI, tout en mettant en avant qu’elle veille toujours au respect de la justice et à son indépendance, considère que «la 1ère sentence va à l’encontre des dispositions de la Constitution du Royaume du Maroc, notamment les articles 117 et 110 relatifs à la sécurité judiciaire et à l’application impartiale de la loi, à la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, ainsi qu’aux articles du Code pénal qui stipulent des peines allant de dix à vingt ans de prison pour les crimes de viol sur mineur (articles 486-488)», a précisé l’OFI.

Pour cette raison, l’OFI a appelé «les autorités judiciaires compétentes, y compris l’Inspection générale des affaires judiciaires, à ouvrir une enquête urgente afin de révéler les circonstances et le fondement de cette décision, et à éclairer l’opinion publique à son sujet, en prévoyant des sanctions appropriées si le préjudice aux fins de justice et d’équité est avéré».

Elle a également exprimé «sa solidarité inconditionnelle avec la victime de ces actes criminels quireprésentent une violation flagrante des droits de l’enfant et une atteinte criante à lamorale et aux valeurs communes» des Marocains, et a déclaré être prête à «lui fournirtoute forme de soutien et d’assistance durant le procès en appel de ce verdict», tout en appelant à «des peines plus sévères pour les crimes sexuels, et les agressions et violations dont les victimes sont des enfants et des femmes».