GARABITO, Costa Rica – Telle mère, tel fils : Tairon, le fils d’Ana Francini González Avalos est un petit garçon de 7 ans remuant et intelligent, qui sait déjà lire et veut en apprendre encore davantage. Fran, comme elle aime être surnommée, a toujours appris très vite. Lorsqu’elle était plus jeune, elle a toujours été première de sa classe… jusqu’à ce qu’elle soit contrainte à abandonner l’école par une grossesse non intentionnelle.
« J’étais une ado, j’avais plein de rêves et d’objectifs ; je voulais partir à la conquête du monde », raconte cette jeune femme de 21 ans. « Puis, une grossesse totalement inattendue est arrivée ».
Fran est tombée enceinte à 13 ans, lorsqu’elle était en sixième. Ni elle ni son petit ami, un voisin du même âge qu’elle environ, n’en savait beaucoup sur les contraceptifs ou la santé sexuelle et reproductive. « Lorsqu’on grandit dans des conditions de vulnérabilité, on n’a généralement pas accès à des informations scientifiques sensibles, qui encouragent l’autonomie corporelle », souligne-t-elle.
Le Costa Rica, où réside Fran, a fait de grands progrès ces vingt dernières années dans la réduction de son taux de grossesses adolescentes, notamment grâce à un meilleur accès à l’information et aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris à une éducation complète à la sexualité.
Pour celles qui continuent de tomber enceintes à l’adolescence – et même parfois étant encore enfants – se pose le risque de complications de santé, d’obstacles à leur accès à l’éducation et à certaines opportunités, de violence basée sur le genre et de stigmatisation sociale.
Lorsque Fran est tombée enceinte, on l’a prévenue qu’elle ne pourrait pas poursuivre ses études ni atteindre ses objectifs. Au contraire, on lui a dit « ta vie est finie ».
À la rescousse des projets et des rêves
Des données de l’UNFPA et de l’Instituto Nacional de Estadistica y Censos révèlent que les grossesses adolescentes se raréfient avec le temps au Costa Rica. En 2000, un enfant sur cinq naissait d’une mère âgée de 15 à 19 ans. En 2021, cette part avait chuté à moins d’une naissance sur dix. Parallèlement, les naissances enregistrées chez les filles de 14 ans et moins sont passées de 12 par semaine en 2000 à 4 par semaine en 2021, en moyenne.
Ce déclin fait suite à une série de changements culturels, sociétaux et dans les politiques publiques, notamment l’introduction d’une éducation complète à la sexualité dans les programmes scolaires publics en 2013, et d’une loi interdisant le mariage avant 18 ans, en 2016. De plus, la couverture en contraceptifs modernes a augmenté : en 2022, 84 % des femmes déclarent que leurs besoins en moyens modernes de contraceptions sont satisfaits.
« Nous avons avancé en tant que pays, mais n’avons pas encore atteint notre objectif », déclare le chef de bureau de l’UNFPA, Juan Luis Bermúdez. « Les actions liées à la prévention et aux soins appellent la participation des familles, des communautés, des organisations sociales, des institutions et du secteur privé. »
« Nous devons améliorer notre façon de communiquer avec les adolescent·e·s. Nous sommes également face à la difficulté de proposer plus d’opportunités aux mères, afin qu’elles ne soient pas contraintes d’abandonner leurs projets ni leurs rêves. »
« Parier sur nous-mêmes »
Aujourd’hui, Fran vit avec son fils à Garabito. Avec sa mère, qui vit juste à côté, elles vivent dans une région appelée « la terre de personne », ainsi nommée à cause de l’incertitude qui plane sur la propriété de cet endroit, qui a eu pour résultat l’expulsion de certain·e·s voisin·e·s.
C’est la mère de Fran qui l’a encouragée à reprendre ses études. Elle avait quitté l’école en 2015, car il était trop difficile de concilier son emploi du temps scolaire de 7 h à 16 h et la garde de son enfant. Après avoir participé à plusieurs ateliers d’autonomisation des mères adolescentes, certains organisés par l’UNFPA, elle a décidé de reprendre ses études à distance, pour continuer à s’occuper de Tairon, et a progressé très vite.
Dans le même temps, l’équipe des bureaux national et régional de l’UNFPA ont remarqué sa passion pour les sujets tels que le militantisme chez les jeunes, les droits de la personne et la lutte contre la violence basée sur le genre. Elle a donc été engagée comme animatrice dans certains camps, ateliers et activités. Fran y partage ses connaissances et son expertise en matière de santé sexuelle et reproductive, et parle de son expérience avec d’autres jeunes.
« Avec l’UNFPA, nous avons travaillé en étroite collaboration avec d’autres mères adolescentes. Nos réalités sont à la fois difficiles et variées, mais nous sommes toutes marquées par l’expérience de la maternité adolescente dans des situations de vulnérabilité », explique-t-elle.
Aujourd’hui, Fran rêve de pouvoir reprendre son cursus universitaire de psychologie, qu’elle a mis en pause après le décès du père de Tairon début 2022. Elle espère également trouver un emploi stable pour subvenir à ses besoins, à ceux de Tairon mais aussi à ceux de sa compagne Jimena.
Fran est convaincue que des histoires comme la sienne peuvent amener les responsables politiques et les sociétés à élargir et améliorer les opportunités proposées aux jeunes femmes et filles.
« [Nous devons] ignorer tout ce qui nous vient de l’extérieur qui est généralement néfaste – les critiques, la discrimination, la stigmatisation – et commencer à parier sur nous-mêmes, sur notre potentiel, sur nos objectifs et nos rêves », affirme-t-elle. « En fin de compte, nous ne souhaitons que vivre notre vie d’adolescentes, continuer à étudier, à nous amuser et à vivre notre vie comme avant notre grossesse. »
Source:unfpa.org