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Au rythme actuel, il faudra 98 ans pour mettre fin aux inégalités de genre en Afrique subsaharienne : Les droits, la représentation politique et les ressources sont essentiels pour combler le fossé. Les femmes ont plus durement subi les ravages économiques causés par le COVID-19. En Afrique, où les femmes représentent 58% de la population des travailleurs indépendants, les entreprises appartenant à des femmes ont été particulièrement vulnérables aux chocs et crises multiples. La pandémie a menacé les fragiles acquis de ces dernières années en matière d’égalité de genre en renforçant et en multipliant les situations de précarité auxquelles les femmes sont confrontées.

A cela s’ajoutent les conséquences du changement climatique et de la guerre en Ukraine qui ont encore plus exposé les vulnérabilités des femmes en Afrique. Plus que jamais, notre continent a besoin de renforcer les actions pour mettre fin à la discrimination fondée sur le genre et créer une vague de changement positif. Si les choses continuent d’évoluer au rythme actuel, il faudra encore 98 ans pour mettre fin aux inégalités de genre en Afrique subsaharienne. Nous ne pouvons plus attendre.

Pour inverser cette tendance, nous devons nous concentrer sur trois domaines clés de coordination. Il s’agit de la représentation : les voix des femmes doivent être entendues dans les échanges politiques, les processus de maintien de la paix et la prise de décision ; le droit, ce qui signifie avoir des lois égalitaires qui protègent les femmes et les filles et enfin, l’allocation de ressources adéquates, y compris de mesures financières, pour traduire les engagements des États en actions et assurer l’autonomisation économique des femmes. ONU Femmes et la Fondation Bill & Melinda Gates s’engagent depuis de nombreuses années à soutenir ces progrès en partenariat avec les femmes et les hommes africains pour construire une société plus égalitaire, pacifique et économiquement dynamique.

Dans de nombreux pays africains, les femmes continuent d’être exclues des sphères de décision. Si la représentation des femmes dans les parlements a globalement augmenté et constitue une évolution positive, il existe encore des pays d’Afrique de l’Ouest et centrale où les femmes représentent moins de 5 % des parlementaires.

En janvier 2021, la représentation globale des femmes africaines était loin d’atteindre la parité et les progrès réalisés restaient inégaux. Nous devons faire en sorte qu’aujourd’hui, à l’occasion de la Journée de la Femme Panafricaine, les voix des femmes africaines soient entendues et qu’elles puissent participer pleinement aux processus décisionnels en Afrique.

Les quotas se sont révélés être un moyen efficace d’accroître la participation des femmes à la vie politique. Dix pays sur douze d’Afrique de l’Ouest et centrale disposent désormais de telles lois. Par exemple, le Cap-Vert a adopté une loi sur la parité en 2019 et le nombre de femmes élues aux élections locales est passé à 41,5 % en 2020, contre 26 % en 2016.

C’est un exemple de réussite qu’il est urgent de reproduire sur le continent car la représentation politique des femmes dans de grands pays comme le Nigéria et la RDC reste faible. Il est impératif de poursuivre sur la voie des réformes juridiques et politiques pour entériner ces pratiques dont nous connaissons l’efficacité.

Le Protocole de Maputo, adopté en 2017, fournit un cadre juridique pour la protection des droits des femmes en Afrique. Les États africains ont fait des progrès significatifs pour atteindre les objectifs du Protocole de Maputo, notamment en créant des ministères et des mécanismes institutionnels dédiés pour promouvoir ces droits. Cependant, l’accès limité des femmes africaines à l’éducation et à l’emploi réduit la croissance annuelle par habitant de 0,8 %. Ce niveau de croissance aurait permis de doubler la taille des économies africaines en 30 ans.

Au Niger, par exemple, la Banque mondiale estime que le PIB par habitant serait supérieur de plus de 25 % si l’inégalité entre les genres était réduite. Les efforts visant à améliorer l’accès à l’éducation et à maintenir les filles dans les écoles secondaires, à mettre fin aux mutilations génitales féminines, à garantir l’accès des femmes à la propriété foncière, à mettre fin aux mariages précoces et à garantir l’accès aux droits sexuels et reproductifs ne trouveront leur aboutissement que si les opinions et les intérêts des femmes africaines sont pris en compte dans les politiques gouvernementales.

Trente ans après les engagements pris par la communauté internationale à Beijing et le Protocole de Maputo pour l’égalité des genres et la promotion des droits des femmes, il est urgent que nos pays africains prennent des mesures audacieuses pour allouer les ressources adéquates afin de stimuler l’autonomie et l’autodétermination des femmes. L’Afrique du Sud montre la voie en mettant en œuvre des politiques et des programmes visant à encourager et à soutenir l’autonomisation des femmes.

Lors de la 66e session de la Commission de la Condition de la Femme, Mme Mmamoloko Kubayi-Ngubane, ministre sud-africaine des établissements humains, a souligné trois exemples concrets de politiques: premièrement, une stratégie axée sur l’autonomisation des femmes dans le secteur de l’énergie, lancée le 31 août 2021, ensuite, le lancement du programme  » Women Diggers  » pour augmenter le nombre de femmes dans le secteur minier et enfin, le programme  » Techno girl  » pour soutenir les filles qui souhaitent poursuivre des carrières scientifiques ou technologiques.

Il y a encore trop peu de femmes dans le secteur des STEM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques) alors que nous savons que lorsque les femmes sont impliquées dans la prise de décision, elles obtiennent de meilleurs résultats pour tous en matière de science et de recherche. Dans des pays comme le Nigeria et le Kenya, seule une femme sur quatre travaille dans ce domaine.

Il est temps d’agir si nous voulons réaliser les aspirations de l’Agenda 2063, le cadre stratégique du continent pour atteindre son objectif de développement inclusif et durable, et ainsi construire l’Afrique que nous voulons : un continent en paix, uni, démocratique, prospère, doté d’une identité culturelle forte et égalitaire. Alors que la pandémie recule, il est impératif que les femmes et les filles soient placées au premier plan de tous les efforts de redressement. Les femmes doivent être incluses dans les plans de relance économique et leur santé doit être une priorité.

L’égalité des genres revêt une importance économique, politique et sociale pour chacun d’entre nous. Sans elle, les disparités de genre continueront de contribuer à la pauvreté et freineront le développement nécessaire et si longtemps attendu par notre peuple. Tant que les femmes et les filles ne prendront part aux processus décisionnels, leur avenir, et celui de tous les Africains, continuera d’être hypothéqué.

Oulimata Sarr (Directrice régionale d’ONU Femmes pour l’Afrique de l’Ouest et centrale) et Rachel Toku-Appiah (Directrice, Programmes, Plaidoyer et Communications, Afrique) Source : allafrica.com