Le gouvernement devrait mettre en œuvre le plan conçu pour protéger les écoles et les enfants
(Abuja, 11 avril 2024) – Dix ans après l’enlèvement de plus de 200 écolières à Chibok, au Nigeria, les autorités de ce pays ne sont toujours pas parvenues à mettre en place et à maintenir des mesures cruciales pour créer un environnement scolaire sûr pour chaque enfant, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Depuis 2014, selon l’ONG Save the Children, plus de 1 600 enfants ont été enlevés dans le nord du Nigeria. Dans le nord-est du pays, le conflit armé entre Boko Haram et les forces armées nigérianes se poursuit avec des effets néfastes et, dans le nord-ouest, des groupes criminels communément appelés « bandits » terrorisent les communautés. Rien qu’en février et mars 2024, des bandits ont kidnappé plus de 200 enfants qui se trouvaient dans leurs écoles, situées dans les États de Kaduna et Sokoto.
« Pour de nombreux enfants du nord du Nigeria, poursuivre sa scolarité signifie faire face à la menace constante d’un enlèvement », a déclaré Anietie Ewang, chercheuse sur le Nigeria à Human Rights Watch. « Les enfants ne devraient jamais être confrontés au dilemme déchirant de sacrifier leur sécurité pour poursuivre leur éducation, mais ce choix intenable, lié à la profonde insécurité qui sévit dans le pays, leur est imposé quotidiennement. »
Le 14 avril 2014, le groupe armé islamiste Boko Haram a enlevé 276 filles dans leur école de Chibok, une ville de l’État de Borno dans le nord-est du pays, provoquant l’indignation à l’échelle mondiale. Certaines filles ont réussi à s’échapper, et d’autres ont été relâchées ou secourues ; mais selon l’UNICEF, 96 filles sont toujours en captivité, et des groupes de la société civile continuent de faire pression sur le gouvernement afin qu’elles soient secourues. Boko Haram, connu pour son opposition à l’éducation, a procédé à d’autres enlèvements de ce type, y compris celui de 110 écolières à Dapchi, une ville de l’État de Yobe, en 2018.
Outre les enlèvements perpétrés par Boko Haram dans le nord-est, la crise actuelle du banditisme dans le nord-ouest a fait de cette région, ces dernières années, une plaque tournante des enlèvements criminels contre rançon. La crise est apparue après des années de conflit entre éleveurs et agriculteurs, donnant naissance à des groupes criminels qui se sont livrés à de nombreux meurtres, pillages, actes d’extorsion et enlèvements contre rançon dans des communautés essentiellement rurales.
Entre décembre 2020 et février 2021, une série d’incidents médiatisés, notamment l’enlèvement de plus de 600 élèves dans les États de Zamfara, Katsina et du Niger (dans l’ouest du Nigeria), ont mis la question des enlèvements sous le feu des projecteurs.
Suite à l’incident de Chibok, le gouvernement nigérian a approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un engagement politique international visant à protéger les écoles contre les attaques, et contre l’utilisation militaire qui en ferait des cibles. Le gouvernement a également adopté une Initiative pour des écoles sûres (Safe Schools Initiative) au Nigeria, avec le soutien de la communauté internationale et de chefs d’entreprise nigérians. Cette initiative visait à collecter des fonds avec un engagement initial de 10 millions de dollars pour aider à rendre les écoles plus sûres, notamment en les déplaçant vers des zones plus sûres et en créant un modèle d’école sûre pour États de Borno, d’Adamawa et de Yobe, particuliement touchés par l’insurrection de Boko Haram.
Face à la menace accrue d’attaques contre les écoles, beaucoup d’entre elles ont été contraintes de fermer complètement leurs portes, avec plus de 20 millions d’enfants non scolarisés au Nigeria, selon l’UNESCO, parmi les chiffres les plus élevés au monde. Selon l’UNICEF, 66 pour cent des enfants non scolarisés au Nigeria viennent des régions du nord-est et du nord-ouest, parmi les les plus pauvres du pays.
Pour les filles en particulier, les défis sont à double tranchant. Si elles vont à l’école et sont enlevées, elles risquent de subir des viols ou d’autres formes de violence sexuelle; et si elles ne vont pas à l’école, elles risquent d’être soumises à un mariage précoce, pratique courante dans ces régions.
Texte complet en anglais : en ligne ici.
Source:hrw.org