Le sommet du principal forum de coopération économique internationale, le G20, se déroule ces jours-ci à Rio de Janeiro et les dirigeants de tous les pays représentés ont en main les recommandations du Women 20 (W20). Il s’agit d’un groupe officiel d’engagement chargé de conseiller le G20 sur la promotion de l’égalité des genres et l’autonomisation économique des femmes. Le W20 est formé d’une délégation de 63 femmes. Il s’est réuni à Rio pendant trois jours cet automne.
Tania Saba, professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, experte des questions relatives à l’entrepreneuriat des femmes et à la diversité en emploi, était l’une des trois personnes de la délégation canadienne. À son retour, nous l’avons rencontrée à son bureau à l’Université.
Il est superflu de vous demander si l’expérience a été enrichissante…
L’expérience l’a été, incontestablement. Il est fascinant de constater à quel point les préoccupations concernant la condition économique des femmes sont semblables d’une nation à l’autre, même si le degré d’avancement des politiques en la matière varie beaucoup selon les pays. Durant les 12 mois qui ont précédé la rencontre, les discussions préparatoires ont été stimulantes et constructives. Je peux vous assurer que nos congés parentaux et nos garderies font envie ailleurs dans le monde…
Vous connaissez bien tous les points discutés, mais il fallait sans doute cibler vos interventions…
Effectivement. Cinq points étaient à l’ordre du jour. Le premier concernait l’entrepreneuriat et le déséquilibre flagrant quant à la présence des femmes à la tête des entreprises. Le second était la précarité des emplois dans l’industrie des soins, un secteur où les femmes forment la majorité de la main-d’œuvre. Le troisième était la faible place des femmes dans le domaine des technologies, au premier chef l’intelligence artificielle, qui peut reproduire et parfois amplifier les discriminations et où la présence des femmes est nécessaire. Le quatrième point était la justice climatique, une problématique qui touche plus fortement les femmes que les hommes, en particulier dans les pays émergents. Enfin, le cinquième point était la violence envers les femmes. J’ai axé ma contribution sur l’entrepreneuriat féminin. Au Canada, les femmes sont à la tête de 18 % des entreprises, mais leurs organisations reçoivent moins de 2 % du capital de risque. Les taux de crédit sont aussi nettement moins favorables à leur égard. Beaucoup de travail reste à accomplir, et ce, partout dans le monde.
Vous parlez plusieurs langues et cela a dû faciliter vos échanges avec de nombreuses déléguées. Est-ce qu’il y a des initiatives qui vous ont étonnée ou enchantée?
J’ai été impressionnée par l’activisme et la capacité des femmes à réussir par des initiatives innovantes dans certains pays aux économies émergentes. L’Inde et l’Indonésie se démarquent par des initiatives en éducation. Aussi, j’ai beaucoup discuté de la transformation de la condition féminine en Arabie saoudite. Des actions ont été mises en place qui portent leurs fruits et qui montrent que, lorsqu’il y a une véritable volonté de changer les choses, on peut y arriver.
Les questions d’équité et de diversité vous intéressent depuis de nombreuses années. À l’issue de vos échanges à Rio, quel constat faites-vous sur l’avancement de ces causes? Êtes-vous optimiste?
Les questions d’équité et de diversité doivent être abordées de manière globale. Les enjeux sont tous liés. De nouvelles normes de divulgation qui renforcent de nouvelles manières de mesurer la performance des entreprises sont adoptées. Les investisseurs devraient prendre en compte les contributions environnementale, sociale et de gouvernance. Les dimensions associées à l’égalité en emploi et à la diversité du leadership deviennent de plus en plus incontournables pour les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs.
À quelle stratégie recourt le W20 afin de convaincre le G20 de suivre ses recommandations?
Les chiffres parlent et sont convaincants. Nous avons des analyses et des données probantes incontestables. Par exemple, 80 % des victimes des changements climatiques dans le monde, surtout dans des contextes de pauvreté, sont des filles et des femmes parce qu’elles exercent les métiers les plus à risque. Nous avons également eu de longues discussions sur la violence dont sont victimes les femmes. Les statistiques qui rapportent les cas de violence doivent provenir de sources d’information diversifiées pour que soient mentionnés les cas de violence, certes trop nombreux, dont on ne rend pas compte. On sait qu’une femme sur trois dans le monde sera victime de violence physique ou sexuelle.
Le recul des droits des femmes s’est-il invité dans les discussions?
Oui, il existe effectivement un ressac. Pour moi, c’est là que le W20 prend tout son sens, avec des données chiffrées et fiables montrant la véritable condition des femmes dans le monde.
Le W20 a vu le jour en 2014 en Australie. Il est l’un des 13 groupes de mobilisation thématique du G20. Ses déléguées appartiennent à des organismes non gouvernementaux, souvent communautaires, reconnus pour leur expertise ou encore au monde universitaire. Cette année, outre la professeure Saba, la professeure Wendy Cukier, de la Toronto Metropolitan University, et Anjum Sultana, directrice du leadership des jeunes et de la défense des politiques à Plan international Canada, composaient la délégation canadienne.
Source:https://nouvelles.umontreal.ca