Une victime des violences perpétrées au stade de Conakry en 2009 demande que justice soit rendue
« Je préfère venir en public témoigner devant ma nation. »
C’est par ces mots que Fatoumata Barry, rejetant l’option du huis clos, s’est présentée au tribunal en mars dernier en Guinée pour y partager avec le monde entier les horreurs qu’elle – et des centaines d’autres – a subie le 28 septembre 2009.
Son témoignage a été un moment sans précédent dans un procès national qui ne l’est pas moins pour demander des comptes aux auteurs d’atrocités.
Ce jour-là, des milliers de Guinéens s’étaient rassemblés dans un stade de Conakry, la capitale, pour une manifestation prodémocratie contre la junte militaire au pouvoir, lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu, tuant plus de 150 personnes et se livrant à des violences sexuelles brutales sur une centaine de femmes dans le stade et aux alentours.
Fatoumata Barry a témoigné que des policiers et des gendarmes l’ont frappée, ont sorti un couteau et arraché ses vêtements, avant de la passer à tabac à plusieurs reprises à l’aide d’un bout de bois. « Vous voyez le policier ici ? Ce qu’il tenait-là, c’est ce qu’ils ont aussi introduit dans mon sexe », a-t-elle déclaré, en montrant une photo qu’elle avait apportée au tribunal. « Nous sommes des femmes. On pensait que nos droits étaient respectés dans ce pays. »
Les survivant-e-s et les organisations de la société civile font campagne de longue date pour que justice soit faite pour le massacre, les violences sexuelles et les autres abus commis au stade. Bien que 13 ans se soient écoulés depuis cette tragédie, Fatoumata Barry a déclaré être toujours hantée : « Jusque-là où je suis assise, où quand je me couche la nuit, c’est ce que je vois en premier. »
Après la fin de la première phase du procès en février, les victimes ont commencé à témoigner, celles ayant subi des violences sexuelles souvent à huis clos. Les violences sexuelles sont profondément stigmatisées dans la société guinéenne, largement conservatrice. Un problème majeur s’est posé lorsque le tribunal a violé l’anonymat de la première survivante de violences sexuelles à témoigner, après qu’un juge a demandé qu’elle comparaisse sous l’œil des caméras, avant de se prononcer en faveur de sa demande de huis clos. Cette pratique a cessé par la suite.
Fatoumata Barry a quitté la Guinée après le massacre, et a souligné l’importance cruciale de la responsabilité pénale : « Je demande justice. Tant que la justice ne s’est pas prononcée dessus, je ne peux pas retourner [pour vivre] dans mon pays ».
Pour que justice soit rendue, le procès doit se dérouler sans ingérence, dans le respect de l’indépendance de la justice, des droits de l’accusé et de la participation effective des victimes.
Source: https://www.hrw.org