Augustine Asta – Cité du Vatican
«Nous avons vraiment une recrudescence de violences au Tchad. Des violences conjugales, des cas de harcèlement sur les jeunes filles, de cas de viols sur les mineurs, des viols collectifs… Et ces derniers temps, on a aussi assez plusieurs cas de féminicides, des femmes qui se font tuer par leurs époux, des jeunes filles qui se font tuer par des hommes. En fait, plusieurs vies qui sont brisées, détruites à jamais». La voix remplie d’émotion, Epiphanie Diorang, présidente de la Ligue tchadienne des droits des femmes, décrie avec ses mots le calvaire des femmes de son pays. Cette année seulement, l’organisation qu’elle dirige, a recensé plus de 224 cas de violences faites aux femmes et aux filles au Tchad. Des vies qui ont basculé de la lumière à l’obscurité, sans aucune autre forme de procès.
Le poids de la tradition et la méconnaissance des lois en faveur des femmes
Malgré quelques avancées notoires enregistrées, cette catégorie sociale croupit encore sous le poids des pesanteurs socioculturelles. «Il y a cette question de tradition, de culture qui fait que les femmes n’arrivent pas à sortir de là, parce qu’on a normalisé certaines choses. Aussi les questions de violences faites aux femmes restent encore vraiment tabou dans notre société», affirme-t-elle. Autre véritable problème à l’origine de la recrudescence de ces violences c’est la méconnaissance des textes et des lois en faveur des femmes. «Beaucoup de citoyennes tchadiennes ne connaissent pas leurs droits la société», explique la militante pour les droits humains. «Il y a ce manque d’information mais aussi cette ignorance», qui impactent négativement l’épanouissement de la femme tchadienne, fustige-t-elle.
«Le manque de justice sociale»
À ce décor peu reluisant s’ajoute «le manque de justice sociale». «Les bourreaux sont là, on les connaît, mais justice n’a jamais été faite pour les victimes. Parce que ce sont des cadres, des personnes influentes, des enfants de personnes riches parfois. La justice ne fait pas son travail. C’est l’injustice qu’on vit au quotidien», déclare-t-elle. «Et c’est ce qui justifie cette recrudescence des violences parce qu’ils savent que la loi est défaillante quelque part», souligne-t-elle.
La résilience des femmes tchadiennes
À Ndjamena, la Ligue tchadienne des droits des femmes a saisi le prétexte des 16 jours d’activisme contre les violences basérs sur le genre, pour accentuer la sensibilisation et saluer la résilience des femmes et des filles, principales victimes de violences de tout genre. Pour une lutte efficace en faveur de la femme tchadienne, l’organisation multiplie diverses initiatives. «On intensifie nos actions pendant les seize jours d’activisme pour permettre à ce que ces femmes puissent être plus résilientes et aussi leurs permettre d’être épanouies au sein de la société. On met en lumière les témoignages inspirants des autres femmes qui ont eu à sortir de leur zone de confort, malgré qu’elles aient été victimes de violence, ça permet de les booster vraiment, et de leur faire comprendre que c’est encore possible».
Les violences faites aux femmes constituent un «véritable problème de santé publique», c’est pourquoi cette organisation appelle aussi à la justice, à l’égalité et à la dignité. «Nous menons des actions de plaidoyer dans ce sens pour pouvoir amener les décideurs à prendre des décisions sur la question des violences faites aux femmes, et surtout sur le respect des textes et des lois qui protègent les femmes. Beaucoup de textes qui ont été ratifiés par le Tchad. Nous avons donc des lois qui protègent les femmes. Mais c’est la question de l’applicabilité de ces textes qui reste vraiment un grand défi», estime Épiphanie, qui poursuit: «Si vraiment les lois sont appliquées, je pense qu’on va mettre fin à ces violences faites aux femmes et aux fille».
Aujourd’hui plusieurs femmes au Tchad brisent le silence certes, mais les organisations féministes ne cessent d’alerter et d’intensifier des actions pour libérer davantage la parole chez les victimes dans les zones tant urbaines, que rurales. Car «l’information reste primordiale pour prévenir sur les questions des violences que les femmes subissent au quotidien».
Source: https://www.vaticannews.va/fr