ARTS. À l’Atelier Presse Papier, l’artiste trifluvienne d’origine argentine Alejandra Basañes présente Brûlures, une exposition où le fer à repasser devient un symbole de mémoire, de douleur et de résilience féminine.
La femme est au centre de la réflexion. L’artiste revisite le fer à repasser, objet domestique du quotidien, pour en faire un témoin du travail invisible et des blessures qu’il évoque. Recréé en verre et transposé en lithographie, il se transforme en un objet poétique, porteur de mémoire collective.
“Le fer à repasser, c’était le point de départ, explique Alejandra Basañes. En réalité, c’est l’activité du quotidien que les femmes faisaient et que certaines font encore. C’est une activité qui a marqué le corps et la vie des femmes dans le monde entier.”
Dans cette œuvre, l’artiste explore la dualité de l’objet, celui qui efface les plis mais qui peut aussi brûler. Cette ambivalence devient le cœur de sa métaphore: celle des blessures invisibles et des violences faites aux femmes. “Le sujet de mon exposition, c’est la brûlure, dit-elle. C’est une métaphore des blessures que les femmes subissent à cause de certains conflits passionnels, familiaux ou culturels.”

Les chiffres qu’elle évoque rappellent l’ampleur du problème. Elle cite des données des Nations Unies à l’effet qu’en 2023, 51 000 femmes ont été tuées dans le monde par un partenaire intime ou un membre de leur famille. “Toutes les dix minutes, une femme meurt à cause de la violence. En Afrique, on a compté 21 700 victimes, en Asie 18 500, en Amérique 8 300. C’est une réalité qui me bouleverse.”
Par la lithographie et le travail du verre, l’artiste traduit cette mémoire féminine dans la matière. Le geste répétitif du tirage devient un acte symbolique. “Le dessin, je le fais dans la pierre. La lithographie me permet de transformer chaque image, comme une série de changements, une évolution.”
L’exposition présente aussi une carte du monde recouverte de points rouges, chacun représentant cent femmes tuées. “Chaque point rouge, c’est une trace, une mémoire. Il m’en reste encore à ajouter, selon les chiffres.”
Pour Alejandra Basañes, l’art devient un moyen de dénoncer et de susciter la réflexion. “Même si c’est un vieux problème, c’est quelque chose qui dérange la société. On est parfois fatigué d’en parler, mais c’est encore nécessaire.”
Installée à Trois-Rivières depuis plusieurs années, Alejandra Basañes trouve une signification particulière à présenter Brûlures dans sa ville d’adoption. “C’est important pour moi de la présenter ici, dit-elle. J’aime Trois-Rivières, j’y travaille, et même si les Québécois ont fait beaucoup d’avancées, il reste encore du chemin à faire pour l’équité.”
Lauréate du Prix Charles-Biddle 2019, du Prix Télé-Québec “Ces femmes qu’on tue” (BIECTR 2021) et du Prix Arts Excellence – Médiation culturelle 2023, l’artiste poursuit une démarche engagée, à la croisée de l’intime et du social.
L’exposition Brûlures reste accessible jusqu’au 16 novembre prochain.
Source:https://www.lhebdojournal.com/culture/brulures-la-memoire-des-femmes-gravee-dans-le-verre-et-la-pierre/