A Gao, dans le nord du Mali, la « Case de la Paix » est un projet ayant pour but de stimuler l’économie des femmes, tout en favorisant leur coordination en vue d’une participation dynamique au processus de paix et la vie publique de cette région du pays.
Composée de plusieurs groupements d’associations de femmes, la « Case de la Paix » marque la concrétisation de l’engagement des femmes leaders de la région.
Depuis sa création en 2013, ce projet illustre la remarquable résilience et l’esprit d’initiative qu’ont démontré les femmes dans ce pays du Sahel en l’Afrique de l’Ouest.
Soutenues par plusieurs entités des Nations Unies, les femmes de la « Case de la Paix » ont décidé de rester dans leur région au moment des différentes crises qui ont secoué leur pays, à la suite du coup d’Etat de 2012, lors des successifs renversements de régimes et des confrontations entre plusieurs groupes armés.
A force de courage et de détermination, les femmes de la Case ont progressivement gagné le respect des autorités et des chefs traditionnels, comme celui du Cadre de concertation des notables de Gao.
« En tant que leaders, nous sommes restées. Nous avons dit que nous allons rester avec nos maris, avec nos enfants, avec nos garçons. [Pour] toute chose qui se fait au niveau de l’Etat, on nous implique. On nous appelle en tant que femmes, on nous appelle en tant que mamans. On nous appelle en tant que responsables pour écouter les problèmes de la ville et dire ce que nous nous pensons », souligne Mouna Awata, la présidente de la coalition des « Cases de la Paix » qui compte désormais plus de 2.000 membres, et regroupe 76 associations.
Les femmes au cœur des réformes institutionnelles
Avec le soutien d’ONU Femmes, les organisations féminines du Mali ont accompagné le gouvernement pour établir la Feuille de route sur genre, élection et réformes, lancée officiellement le 8 février 2024. La Feuille de route est une initiative visant une plus forte représentation et représentativité des femmes dans les fonctions nominatives et électives.
Pour Marie Goreth Nizigama, Représentante résidente d’ONU Femmes au Mali, « cela a été un processus très participatif. Le Mali est dans son processus de réforme politique et électoral, et dans le cadre de ce processus, il y a toujours cette priorité de prise en compte du genre ».
Les Nations Unies participent activement à la mise en œuvre de la Feuille de route visant à atteindre au minimum 30% de représentation des femmes dans les instances politiques et administratives. De plus, la Feuille de route constitue un exemple concret de cette participation, puisqu’elle est le fruit d’un processus d’engagement du gouvernement, accompagné par l’appui conjoint des Nations Unies.
ONU Femmes accompagne également le gouvernement du Mali dans la mise en œuvre du Plan d’action national pour la résolution 1325. « C’est dans ce cadre que nous avons renforcé les capacités des femmes au niveau local qui sont devenues des ambassadrices de paix », souligne la Représentante résidente d’ONU Femmes.
Les organisations féminines ont pu ainsi participer aux dialogues, ou à l’élaboration de la nouvelle Constitution, en 2023. « Les femmes étaient très, très bien représentées lors des Assises nationales de la refondation », ajoute Marie Goreth Nizigama.
En ce qui concerne l’autonomisation économique des femmes, « nous menons beaucoup d’activités, surtout dans le domaine agricole et l’agriculture et le changement climatique. Nous accompagnons des femmes qui sont dans les coopératives. On les appuie à être en coopératives pour les aider à avoir accès à la terre, à la technologie, aux financements et aux marchés », poursuit-elle.
En finir avec la désinformation
Confrontés aux défis sécuritaires dont les données demeurent complexes, de jeunes influenceurs de l’ensemble du Mali se sont engagés à reconnaitre, prévenir et répondre aux sources de désinformation en ligne.
« Fokaben : trouvons une solution » est un projet mis en œuvre par l’ONG Search For Common Ground, financé par le Fonds de consolidation de la paix du Secrétaire général des Nations Unies, dans lequel 120 jeunes leaders communautaires et blogueurs en ligne, dont plus d’un tiers de femmes, apprennent à reconnaitre de fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux afin de lutter contre la désinformation, tout en les positionnant comme des actrices et acteurs crédibles de la cohésion sociale.
Hawa Maiga, l’une des 20 bénéficiaires du projet à Gao, a déjà pu mettre en application ses leçons apprises.
« À un moment donné, il y a eu une confrontation entre [deux communautés] dans la ville de Gao. La situation a failli dégénérer. Il a fallu que les organisations de la société civile de Gao, les femmes, les jeunes et les hommes, les leaders traditionnels et les leaders religieux se joignent aux hommes des médias particulièrement, et aux hommes de la presse au niveau de la radio pour lancer des messages d’apaisement, pour que ça ne mue pas en un conflit intercommunautaire ou un conflit inter ethnique », raconte-t-elle.
« A ces moments-là, nous avons beaucoup participé dans la négociation, dans la médiation et surtout avec l’un des messages constructifs, en appelant les populations locales, en sensibilisant surtout les jeunes à ne pas répondre aux différents messages et aux différents programmes de propagation sur les réseaux sociaux […] Donc on a pu vraiment arrêter ces propagations-là. Et dieu merci, ça a fini en bon terme. C’était un rôle capital que toutes les organisations de la société civile ont joué », ajoute-t-elle.
Bintou Haidara, une autre influenceuse communautaire du projet, compte utiliser les enseignements appris lors de sa formation pour accompagner les jeunes filles que le conflit a placé en situation vulnérable. « Des jeunes filles violées, des jeunes filles vulnérables, des jeunes filles non-instruites », précise-t-elle.
« Nous avons une association qui aide les femmes et les jeunes filles. Je peux contribuer à renforcer leurs capacités. Le besoin est surtout d’instruire les jeunes filles et aussi de les former sur les violences basées sur le genre. On va chercher des partenaires pour pouvoir les aider », ajoute-t-elle.
La femme, pilier de la société malienne
Selon ONU Femmes, lorsqu’une femme est économiquement indépendante, c’est toute la famille, c’est toute la société qui prospère.
Oumou Traore bénéficie d’un projet de soutien du Programme alimentaire mondial (PAM) pour sa culture maraîchère à Djidara, dans la région de Gao. Son petit jardin lui permet non seulement de nourrir sa famille et mais également d’économiser pour investir davantage.
Elle fait partie de 137 maraichers dont 80 femmes bénéficiaires de ce programme de résilience du PAM au Mali qui aide les petits producteurs et leurs organisations, spécifiquement les femmes et les jeunes, à mieux accéder au marché à travers la vente de produits de qualité afin de développer des systèmes alimentaires durables, promouvoir la sécurité alimentaire et parvenir à la Faim Zéro.
Alors que la Journée internationale des femmes a été célébrée récemment, Mouna Awata, de la « Case de la Paix », conclut avec ses mots : « La femme, c’est la mère de l’humanité. C’est la mère de tout le monde. Donc elle doit être respectée. Elle doit être impliquée dans les instances de prise de décision parce que c’est la femme qui connaît les problèmes de la femme. C’est la femme qui connaît les difficultés de la femme. Donc, la femme est vraiment importante ».
Un reportage réalisé par le bureau du Coordinateur résident au Mali.
Source:news.un.org