WILDAF-AO

©AfreePress-(Lomé, le 20 janvier 2023)-L’eau, c’est la vie, dit-on. Elle est l’un des piliers du développement d’un pays et contribue à la réduction de la pauvreté, à la croissance économique et sociale et à la sauvegarde de l’environnement.

Au Togo, nonobstant les efforts déployés par les gouvernants pour assurer une desserte en eau potable, certaines localités du pays, peinent toujours à assurer un accès équitable à cette denrée vitale, à la population. Et chaque jour qui passe, constitue une croix à porter pour ces populations en matière d’approvisionnement en eau potable. Une situation qui affecte dangereusement l’éducation des enfants, surtout celle des jeunes filles.

Zoom sur une situation qui est attentatoire à la scolarité de certaines jeunes filles…

Noépé, localité située à 25 km au nord-ouest de Lomé. Cette ville frontalière du Ghana est connue pour ses difficultés d’accès en eau potable. Nous sommes le vendredi 30 décembre 2022. Il sonne 5 heures 30 minutes. Le soleil pointe déjà son nez à l’horizon. Les faibles rayons de l’astre des cieux, sont escortés par un vent froid, sec et poussiéreux qui souffle depuis quelques semaines sur le Togo. Là-bas, au loin, on aperçoit des silhouettes en mouvement. Ce sont des silhouettes de plusieurs femmes, accompagnées de jeunes filles emmitouflées dans des pull-overs et avançant péniblement en cette matinée glaciale dominée par le vent de l’harmattan. Parmi elles, se trouve Daniella CLOUTSE, élève en classe de Seconde A4.

Daniella CLOUTSE vient du quartier de Lomnava (1,5 km des lieux) pour se rendre dans le centre-ville, non loin du marché de Noépé, dans le but de chercher de l’eau, au moyen d’un pousse-pousse à quatre roues.

La jeune fille de 17 ans doit parcourir cette distance accompagnée de sa petite sœur (les corvées d’eau sont réservées aux filles) avant d’atteindre l’un des trois forages qui alimentent toute la ville de Noépé. Ce travail, elles le font chaque trois jours afin d’apporter de l’eau à la maison, à leurs autres sœurs et frères qui attendent cette eau, pour se doucher et se rendre à l’école.

« C’est une habitude pour moi de parcourir cette distance pour chercher de l’eau pour la maison. C’est avec ce pousse-pousse que nous allons chaque trois jours chercher de l’eau. Je tiens le devant et ma sœur reste derrière, pour pousser la brouette. Nous allons à la pompe avec 15 bidons de 25 litres. Nous faisons dans la journée trois voyages. Il est interdit de gaspiller l’eau parce qu’ici, l’eau, c’est de l’or. Nous payons 50 FCFA pour trois (03) bidons. Pour les 15 bidons, on dépense 750 F CFA pour un seul voyage. Il y a la TdE (la Togolaise des Eaux). Mais, à partir de 6 heures du matin, le débit de nos pompes s’affaiblit. Pour puiser de l’eau à la pompe, il faut se réveiller entre minuit et 1 heure du matin, alors que ce n’est pas assuré que tu seras servie parce que les gens sont nombreux et l’eau ne sort qu’en petite quantité et ça prend du temps », témoigne-t-elle au micro de l’Agence de presse AfreePress.

À côté, s’approche toute souriante, Rachelle Mondro. La vingtaine, visage sans aucune trace d’imperfection, elle donne l’impression d’avoir été dessiné par un maître sculpteur. À la pompe du grand marché de Noépé, cette élève en classe de Terminal G1, est aussi venue s’approvisionner en eau potable. Juchée au dos d’une moto, elle tient entre les mains, 4 bidons d’eau de 25 litres.

« J’habite à Domékpo. C’est derrière Noépé en allant vers Kovié. Pour venir à la pompe, je parcours environ 2 km et ce n’est pas du tout facile. Il n’y a aucun forage fonctionnel dans notre quartier. Le seul que nous avons, est en panne depuis quelque temps. Je viens ici chaque main avant de me rendre à l’école », indique-t-elle, laissant poindre un sentiment de tristesse dans la voix qu’elle essaie tant bien que mal de ne pas laisser paraître.

Juste à ses côtés, se tient une dame, d’un âge avancé, avec un enfant au dos qui suit, avec une oreille indiscrète, nos discussions. 

« Vous semblez être étonné, lança-t-elle tout en s’invitant dans nos échanges. Cette situation de manque d’eau, nous la vivons depuis longtemps. Des fois, c’est moi-même qui dit à mes enfants de ne pas se doucher avant d’aller à l’école parce que, s’ils vont attendre, ils seront en retard. Ils font seulement un petit nettoyage des pieds, du visage et des bras. Et très souvent, quand ils se lavent le matin pour aller à l’école, c’est pour toute la journée, jusqu’au lendemain matin », témoigne-t-elle.

Noépé, la ville, où les bidons jaunes sont rois

Le manque d’eau potable à Noépé a fait naître un nouveau métier. C’est celui de livreur d’eau. Ils sont une trentaine de jeunes qui se sont convertis en ce nouveau métier plus lucratif. Presque tous les ménages, ont leurs livreurs d’eau potable.

« Nous avons surnommé Noépé la ville aux bidons jaunes à cause de l’utilisation massive des bidons jaunes de 25 litres. Quasiment tout le monde utilise ces bidons pour puiser de l’eau à la pompe. Nous sommes ceux qui utilisent le plus ces bidons jaunes au Togo. Un ménage qui a besoin de l’eau nous contacte et passe sa commande en moins de 30 minutes, nous débarquons avec de l’eau. Seulement, ça revient un peu cher. Le bidon de 25 litres est à 25 F CFA si la distance n’est pas grande. Nous livrons le bidon à 50 F CFA aux maisons et chantiers qui sont un peu éloignés du centre-ville », confie à l’Agence de presse AfreePress, NEGLO Kokou, livreur professionnel d’eau.

Le manque d’eau, un facteur d’absentéisme dans les écoles

La majorité des établissements scolaires visités dans plusieurs localités du pays, ne disposent pas de points d’eau. Et ceux qui existent, ne sont pas fonctionnels et selon les experts de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), le manque de services d’eau, d’assainissement et d’hygiène dans le milieu solaire met en danger la santé et la capacité d’apprentissage des apprenants. Le manque d’eau compromet les bonnes pratiques d’hygiène (se laver les mains après les toilettes…). Dans les écoles et les communautés qui n’ont pas accès à l’eau potable, les enfants sont plus vulnérables et exposés aux maladies telles que les maux d’yeux, les maux de centre et les diarrhées. Pour les filles adolescentes, le besoin en eau est encore plus accru du fait de la gestion de leurs menstruations.

Des élèves (les garçons) interrogés à Noépé avouent mieux s’adapter à la situation en faisant l’effort de se rendre à l’école sans prendre une douche complète. Par contre, chez leurs camarades jeunes filles, la situation est plus difficile. Elles préfèrent de loin, rater les cours que de se présenter en classe en période de menstrues avec tous les risques que cela comporte pour leur image et leur dignité.

« Lorsque nous sommes en période, si nous ne nous douchons pas comme il se doit, nous n’arrivons pas être à l’aise. J’ai vécu cette situation. Je ne pouvais pas aller à l’école sans me doucher puisqu’à l’école, aussi, il n’y a pas de l’eau. Donc, j’ai décidé de rester à la maison », raconte Daniella CLOUTSE.

Plusieurs jeunes filles, interrogées sur la gestion de leurs menstruations dans cet environnement, ont préféré ne pas exposer leur condition, estimant que cette question touche à leur intimité.

« Vous allez nous apporter de l’eau ou quoi ? Sachez seulement qu’on ne trouve pas l’eau pour se doucher comme il se doit », a lancé à notre rédacteur, Atsoupi Dovi, élève en classe de Terminale G1. 

Noépé et Tsévié… le même destin

La situation est quasiment identique dans la ville de Tsévié (30 km au nord de Lomé) et ses environs. Le chef-lieu de la région Maritime n’arrive toujours pas  à résoudre ses difficultés en matière d’adduction en eau potable.

Les longues distances que parcourent les élèves pour s’approvisionner en eau, sont le plus souvent, la cause de leurs retards à l’école. Cela agit également sur leur capacité de concentration à l’école, et a un impact sur leurs résultats scolaires, se plaignent des enseignants rencontrés. 

Source: ttps://afreepress.tg