Le manque de données et d’informations fiables sur l’ampleur de la violence sexiste à l’égard des personnes âgées est un obstacle majeur à la lutte efficace contre cette violation flagrante des droits de l’homme dans toutes les sociétés, a déclaré un groupe d’experts des droits de l’homme de l’ONU.
« La violence sexiste ne disparaît pas avec l’âge, mais passe souvent inaperçue et n’est pas suffisamment signalée en raison des lacunes dans la collecte des preuves », ont déclaré des experts à l’occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées.
La violence à l’égard des femmes âgées est le résultat d’une discrimination et d’une inégalité structurelles profondément enracinées, fondées sur l’intersection du sexe, du genre et de l’âge. Elle empêche les femmes âgées, dans toute leur diversité, de jouir de leurs droits et libertés sur un pied d’égalité.
Une tranche d’âge étroite
Les données sur les expériences de violence, d’abus et de maltraitance à un âge avancé font largement défaut, ont expliqué les experts. Alors que les statistiques sur la violence à l’égard des femmes concernent principalement la violence exercée par le partenaire intime et la violence sexuelle, la plupart des enquêtes excluent généralement les femmes de plus de 50 ans se concentrant sur des femmes en âge de procréer, c’est-à-dire âgées de 15 à 49 ans.
Cette tranche d’âge suggère également que les femmes de plus de 50 ans sont considérées comme vieilles, « même si leur vie est différente de celle des femmes des tranches d’âge les plus élevées », ont-ils indiqué.
De plus, les experts ont constaté une absence générale de données sur la violence fondée sur le genre à l’encontre des femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexuées âgées.
« S’il existe quelques données sur les personnes âgées ayant des orientations sexuelles et des identités de genre différentes, ces statistiques ne sont souvent pas ventilées par sexe, ce qui rend ces femmes âgées totalement invisibles », ont-ils détaillé.
La limitation de la fourchette d’âge dans la collecte des données rend donc invisibles les réalités vécues par les femmes âgées et ne permet pas de mettre en évidence les défis auxquels elles sont confrontées, ont-ils regretté.
Mettre fin à la violence à l’égard des femmes de tout âge
Ce manque d’informations empêche également les États de suivre les progrès accomplis dans le respect de leurs obligations en matière de droits de l’homme, à savoir mettre fin à la violence à l’égard des femmes de tout âge.
« Bien que certains résultats indiquent que la prévalence de la violence fondée sur le genre diminue avec l’âge, une telle affirmation pourrait être trompeuse compte tenu des limites des données et de la sous-déclaration de ces cas », ont-ils constaté.
Cette approche provoque des lacunes importantes dans la compréhension de la violence fondée sur le genre chez les personnes âgées et conduit à des protections juridiques et politiques inappropriées pour traiter ces questions, ainsi qu’à des lacunes dans les services disponibles pour les survivants âgés.
Âgisme, violence et abus
L’âgisme contribue au risque accru de violence et d’abus auquel sont confrontées les femmes âgées, en particulier celles qui sont handicapées, y compris les abus et violences physiques, psychologiques, verbaux et financiers, ainsi que l’isolement social et l’exclusion.
Qu’il s’agisse de problèmes de santé, comme la ménopause, ou de problèmes économiques, comme la baisse des pensions, la charge des soins informels ou l’absence de revenus, les femmes âgées sont confrontées à des risques spécifiques de discrimination et de maltraitance.
On estime que la prévalence de la violence à l’égard des femmes âgées, en particulier celles qui sont handicapées, est plus élevée dans les institutions. Elles sont également plus exposées à la violence domestique et aux pratiques néfastes impliquant, par exemple, des accusations de sorcellerie.
12 ans après la reconnaissance du 15 juin comme Journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées, « la violence sexiste à l’égard des personnes âgées tarde à être reconnue par la collecte de données et d’informations », ont-ils regretté.
En 2018, l’Organisation mondiale de la santé a constaté que moins de 10 % des données éligibles sur la violence entre partenaires intimes incluaient les femmes âgées de 50 ans et plus et provenaient principalement de pays à revenu élevé, où les taux de prévalence sont comparativement plus faibles qu’ailleurs.
Afin de lutter efficacement contre ce fléau, les experts appellent à ce que les protocoles de collecte de données sur la violence fondée sur le sexe soient revus et que la collecte des données soit disponible sur les femmes âgées dans toute leur diversité, par tranches d’âge de cinq ans.
« L’utilisation d’enquêtes ciblées sur la violence sexiste à l’égard des femmes âgées est essentielle pour surmonter les problèmes existants de sous-signalement. Les enquêtes et toutes les autres méthodes de collecte de données doivent être inclusives et accessibles aux femmes âgées, y compris celles qui sont handicapées ».
Les experts
Les experts qui se sont prononcés dans cette déclaration sont : Claudia Mahler, Experte indépendante sur la jouissance de tous les droits de l’homme par les personnes âgées ; Victor Madrigal-Borloz, Expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ; Dorothy Estrada Tanck (présidente), Ivana Radačić (vice-présidente), Elizabeth Broderick, Meskerem Geset Techane et Melissa Upreti, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ; Gerard Quinn, Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées ; Ana Peláez Narváez, Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes ; Margarette May Macaulay, Rapporteure sur les droits des personnes âgées de la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
NOTE
Les Rapporteurs spéciaux et Experts indépendants font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand corps d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations Unies, est le nom général donné aux mécanismes indépendants d’établissement des faits et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations spécifiques à des pays, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre individuel.
Source:news.un.org