Il est urgent de placer les droits de l’enfant au cœur du développement et de la réglementation d’Internet et des nouveaux produits numériques, a mis en garde lundi une experte des droits humains de l’ONU.
« L’Internet et les plateformes numériques peuvent être une arme à double tranchant pour les enfants et les jeunes. Ils peuvent leur permettre d’interagir de manière positive et de se développer en tant qu’êtres humains autonomes, en revendiquant leur propre espace. Mais ils peuvent aussi faciliter la diffusion de contenus inappropriés pour l’âge des enfants et leur infliger des préjudices sexuels en ligne de la part d’adultes et de pairs », a averti la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, Mama Fatima Singhateh, à la veille de la Journée pour un Internet plus sûr.
Exploitation des enfants
Selon l’experte, l’essor de l’intelligence artificielle (IA) générative et de la réalité virtuelle évolue constamment et facilite la production et la distribution d’abus et d’exploitation sexuels d’enfants dans la dimension numérique.
Les nouvelles activités d’exploitation incluent le déploiement du cryptage de bout en bout sans mécanismes de sécurité intégrés, l’imagerie générée par ordinateur (CGI), y compris les « deepfakes » et les « deepnudes », et la diffusion en direct à la demande et la réalité virtuelle (XR) de matériel d’abus et d’exploitation sexuels d’enfants.
Le volume de matériel d’abus sexuel d’enfants signalé a augmenté de 87% depuis 2019
Bien que l’accès ne détermine pas la valeur que les enfants et les jeunes tirent d’Internet et des produits numériques, le volume de matériel d’abus sexuel d’enfants signalé a augmenté de 87% depuis 2019, selon l’évaluation mondiale des menaces 2023 de WeProtect Global Alliance.
L’examen de nombreuses études, publications et rapports a révélé l’intensification des manifestations de préjudice et d’exposition des abus sexuels et de l’exploitation des enfants en ligne, à la fois en termes d’échelle et de méthode.
Il s’agit notamment du risque de matériel d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants, de la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles, du harcèlement sexuel en ligne, de l’abus d’images intimes, de l’extorsion sexuelle financière et de l’utilisation de matériel d’exploitation et d’abus sexuels d’enfants assistés par la technologie.
Le secteur privé et l’industrie technologique se sont révélés moins fiables qu’ils ne le prétendent, avec de graves préjugés enracinés, des failles dans la programmation et les logiciels de surveillance pour détecter les abus sur les enfants, l’incapacité à réprimer les réseaux d’abus sexuels et d’exploitation des enfants, des licenciements et des coupes dans les équipes et les travailleurs chargés de la sécurité de la communauté.
Inclure les voix des enfants
Ces pratiques et défaillances risquent de répéter inlassablement les traumatismes, la victimisation secondaire et les préjudices systémiques subis par les individus, y compris les enfants, estime l’experte de l’ONU.
Même si elle se félicite de l’engagement politique accru, de la hiérarchisation des priorités et de l’engagement en faveur de l’utilisation des TIC et des nouvelles technologies au niveau international, elle juge que de nombreux efforts législatifs et réglementaires aux niveaux national, régional et international visant à résoudre ces problèmes présentent des risques supplémentaires pour les droits de l’homme en raison de l’intégration insuffisante des considérations relatives aux droits de l’homme et des approches tenant compte de l’égalité des sexes et de l’enfance.
Dans ce contexte, les États et les entreprises doivent tous travailler ensemble et investir dans la résolution de ce problème, et inclure les voix des enfants, des victimes, des survivants et des parties prenantes concernées dans la conception et le développement de produits numériques éthiques afin de favoriser un environnement en ligne plus sûr. Cette responsabilité doit être immédiatement assumée par l’ensemble de la société.
Initiatives positives
La Rapporteure spéciale a salué le mandat de l’organe consultatif du Secrétaire général sur l’IA, qui consiste à formuler des recommandations en vue de la création d’une agence internationale pour la gouvernance et la coordination de l’IA.
« Malgré ces initiatives positives, il est urgent d’intensifier les efforts et d’établir des liens au moyen d’un instrument multilatéral de base consacré exclusivement à l’éradication des abus sexuels et de l’exploitation des enfants en ligne, en tenant compte de la complexité de ces phénomènes et en faisant un pas en avant pour protéger les enfants dans la dimension numérique », a souligné Mme Singhateh.
Elle s’est dit prête à soutenir les États, les mécanismes internationaux et régionaux et les autres parties prenantes dans la mise en place d’un cadre commun et d’une alliance mondiale pour une gouvernance technologique plus sûre et plus responsable.
NOTE
Les Rapporteurs spéciaux et les groupes de travail font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les titulaires de mandat des procédures spéciales sont des experts indépendants en matière de droits de l’homme nommés par le Conseil des droits de l’homme pour traiter soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation. Ils servent à titre individuel et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail.
Source:news.un.org