WILDAF-AO

Mariama Bâ, née en avril 1929 à Dakar, Sénégal, et décédée dans cette même ville en août 1981, est une écrivaine et femme de lettres sénégalaise, pionnière du féminisme en Afrique. Son parcours illustre un engagement passionné en faveur des droits des femmes et de l’égalité des sexes, révélant les injustices ancrées dans les traditions africaines.

Une origine éclairante

Élevée au sein d’une famille musulmane de l’ethnie Lébous, Mariama Bâ a été témoin des inégalités qui prévalaient dans son environnement. Son œuvre se fait l’écho de critiques acerbes contre les disparités entre les hommes et les femmes, mettant en lumière les lourds fardeaux que la tradition impose aux femmes africaines. En tant que fervente féministe, elle a lutté pour une meilleure reconnaissance des enjeux féminins, fondant et présidant le Cercle Fémina, une organisation dédiée à la cause des femmes. Elle a également été membre active de la Fédération des associations féminines du Sénégal (FAFS), où elle a œuvré sans relâche pour la promotion de l’éducation et des droits des femmes, en particulier celles qui se retrouvaient dans des situations précaires.

Un engagement littéraire

L’expérience personnelle de Mariama Bâ, notamment sa vie de couple, l’a conduite à s’engager dans des associations féminines, où elle a prononcé des discours et rédigé des articles traitant des réalités difficiles que rencontrent les femmes, en particulier celles vivant dans des conditions défavorisées. Ses écrits sont profondément ancrés dans la réalité sociale de son époque et de son pays, abordant des thèmes tels que la polygamie, les castes et l’exploitation des femmes.

Une lutte pour la justice sociale

À partir de la fin des années 1960, Mariama Bâ a intensifié son militantisme au sein d’associations féminines. Son œuvre emblématique, « Une si longue lettre », publiée en 1979, a profondément marqué la littérature sénégalaise. Dans ce roman, elle dépeint avec poignance les inégalités de genre, les problèmes de castes, et l’injustice subie par les femmes, tout en explorant les croyances religieuses et les coutumes, notamment celles entourant les rites funéraires. Elle aborde également la souffrance que la polygamie inflige aux femmes, souvent en proie à l’angoisse et à la douleur face à la rivalité avec des co-épouses parfois plus jeunes qu’elles.

« Une si longue lettre » est un roman épistolaire qui narre l’histoire de Ramatoulaye, une femme sénégalaise, qui s’adresse à son amie Aïssatou après la mort de son mari, Modou. Dans ses lettres, Ramatoulaye partage sa douleur et son chagrin, tout en réfléchissant sur la condition des femmes dans la société sénégalaise.

Le récit aborde des thèmes profonds tels que la polygamie, l’émancipation des femmes et les traditions culturelles. Suite au décès de Modou, qui a épousé une jeune femme en secondes noces, Ramatoulaye fait face à la solitude et à la nécessité de se reconstruire. À travers ses écrits, elle évoque son passé, ses rêves et ses luttes pour l’éducation et l’indépendance.

Le roman met en lumière les conflits entre modernité et tradition, tout en soulignant l’importance de la solidarité entre femmes. La voix de Ramatoulaye témoigne d’un désir de changement et d’un appel à la prise de conscience des injustices auxquelles les femmes sont confrontées.

C’est une œuvre poignante qui explore les défis et les espoirs des femmes dans un contexte social complexe.

Mariama Bâ explore avec profondeur les tensions entre modernité et tradition à travers le parcours de son héroïne, Ramatoulaye. Le conflit entre les valeurs traditionnelles et les aspirations modernes est au cœur de son récit. Confrontée à la polygamie et aux attentes sociales qui lui sont imposées, Ramatoulaye lutte pour concilier son identité moderne avec ses racines culturelles. Elle aspire à une vie d’émancipation et d’indépendance, illustrant ainsi la quête de nombreuses femmes désireuses de dépasser les limites traditionnelles.

Le rôle des femmes dans cette dynamique est particulièrement mis en lumière. Ramatoulaye et Aïssatou incarnent des figures féminines revendiquant leur droit à l’éducation et à l’autonomie. Dans ce contexte, la modernité devient synonyme de choix et de liberté, contrastant avec les rôles souvent restrictifs que les traditions assignent aux femmes. L’éducation se révèle être un vecteur essentiel de modernité et de progrès, Ramatoulaye valorisant l’instruction non seulement pour elle-même, mais aussi comme un moyen de libération pour les générations futures.

Mariama Bâ critique également certaines traditions obsolètes qui nuisent aux femmes, soulignant la nécessité d’une évolution des mentalités pour établir un équilibre entre respect des cultures et avancées contemporaines. Enfin, la solidarité féminine émerge comme un élément crucial pour naviguer entre ces deux mondes. Ramatoulaye et Aïssatou symbolisent cette entraide, démontrant que la modernité peut s’appuyer sur des valeurs de communauté et de soutien mutuel, essentielles dans leur quête d’identité et de liberté.

La polygamie dans l’œuvre de Mariama Bâ

Dans « Une si longue lettre », Mariama Bâ aborde la polygamie de manière critique, mettant en lumière ses conséquences dévastatrices sur la vie des femmes. Ramatoulaye, le personnage principal, éprouve une profonde douleur et un sentiment de trahison après que son mari, Modou, a pris une jeune épouse. Cette expérience illustre la souffrance psychologique et émotionnelle que la polygamie inflige aux femmes, les plaçant souvent dans des situations de vulnérabilité et d’insatisfaction.

La souffrance causée par la polygamie renforce également la solidarité entre femmes. Ramatoulaye et Aïssatou soutiennent mutuellement leurs luttes, illustrant que la lutte contre la polygamie peut devenir un enjeu commun. Cette solidarité se transforme en un moyen de résistance et d’émancipation, montrant que les femmes peuvent s’unir pour revendiquer leurs droits et leur dignité.

Mariama Bâ critique la polygamie en soulignant ses effets dévastateurs sur les femmes et en appelant à une réévaluation des valeurs traditionnelles pour permettre une véritable émancipation.

Le succès de « Une si longue lettre » a été tel que l’État du Sénégal a décidé de l’intégrer dans le programme éducatif du secondaire, témoignant de son impact et de son engagement en faveur de la responsabilité sociale et de la solidarité. Grâce à cette œuvre, Mariama Bâ est devenue l’une des écrivaines les plus célébrées du Sénégal.

Hommages et Reconnaissance

Pour honorer son héritage, l’école des jeunes filles de l’île de Gorée porte son nom, tout comme un lycée qui a été baptisé Maison d’éducation Mariama Bâ. Sa vie et son œuvre se sont développées sous le joug du colonialisme, à une époque où l’Afrique vivait des moments de vulnérabilité. Mariama Bâ a ressenti les ravages engendrés par ce système, et sa plume est devenue une arme de défense pour sa nation, tout en affirmant son rôle de militante féministe talentueuse.

Un héritage éternel

Son livre « Une si longue lettre » est sans conteste son œuvre la plus monumentale. Ce roman aborde les conditions sociales, économiques et politiques difficiles que connaissent les Sénégalais. La portée littéraire et engageante de ce livre lui a valu le prix Noma de publication en Afrique, décerné lors de la Foire du livre de Francfort en 1980.

Les distinctions littéraires qui ont jalonné sa carrière témoignent de l’originalité de ses œuvres. À la fois littéraires et politiques, ses écrits lui ont valu le prix Noma en 1980 ainsi que le Grand Prix littéraire d’Afrique noire en 1982. Son œuvre posthume, « Un chant écarlate », publiée après sa mort, continue de résonner et d’inspirer les générations futures.

Mariama Bâ reste une figure emblématique de la littérature sénégalaise et africaine, une voix forte et claire en faveur des droits des femmes. Son engagement, à travers ses écrits et son activisme, a ouvert la voie à de nombreuses autres femmes et a contribué à façonner le paysage littéraire et social de l’Afrique. Sa vie et son œuvre sont un testament à la puissance de la littérature comme vecteur de changement et de transformation sociale.

L’œuvre Mariama Bâ ancrée dans un  réalisme engagé; caractérisée par une représentation fidèle des réalités sociales et politiques, ainsi qu’un engagement fort en faveur de la justice sociale et des droits humains. Dans ses œuvres, elle aborde des thèmes tels que les inégalités de genre, la polygamie et les traditions culturelles, tout en dénonçant les injustices qui en découlent. Son écriture est à la fois personnelle et politique, ce qui en fait une voix essentielle de la littérature féministe en Afrique.

Mariama Bâ s’éteint en août 1981, emportée par un cancer. Bien que sa carrière littéraire ait été brève, ne s’étendant que sur deux ans, l’impact de ses écrits demeure profondément ancré dans la mémoire collective.

Malgré cette courte période créative, son œuvre a su transcender le temps, continuant d’inspirer des générations de lecteurs et de militantes à travers le monde. Les thèmes qu’elle a abordés, tels que les inégalités de genre et les luttes sociales résonnent toujours avec une pertinence poignante.

Ainsi, l’héritage de Mariama Bâ perdure, témoignant de la puissance de la littérature pour provoquer des réflexions et des changements dans la société. Sa voix, bien que silencieuse, continue de résonner dans les cœurs et les esprits de ceux qui aspirent à un monde plus  juste.

À PROPOS

Hafrique littéraire est une structure littéraire qui fait promotion des écrivains haïtiens et africains francophones. Elle est dirigée par Feguerson Fegg THERMIDOR,

 Journaliste Littéraire haïtien.

Cette structure littéraire souhaite aussi mettre en lumière les œuvres et la carrière des écrivains haïtiens et africains francophones.

 Notre Cahier #8 est entièrement consacré à l’écrivaine Mariama Bâ

Source:https://www.lenational.org/