Les femmes africaines subissent plus durement l’accaparement des terres par les compagnies minières, mais s’organisent pour défendre leurs droits, raconte Georgine Kengne Djeutane, coordinatrice au sein de l’association WoMin.
Les femmes sont particulièrement impactées par les projets miniers en Afrique, explique Georgine Kengne Djeutane, économiste, coordinatrice spécialisée en droit des femmes dans les industries extractives au sein de WoMin African Alliance au Cameroun. L’organisation, créée en 2013 et présente dans 11 pays, les accompagne dans leur lutte pour leurs droits.
En quoi les femmes sont elles exposées à des risques spécifiques dans le secteur minier ?
Georgine Kengne Djeutane
Économiste, membre du collectif Women and Mining (WoMin)
En Afrique, les femmes n’ont pas le droit à la terre, les hommes détiennent généralement les titres fonciers. Mais ce sont elles qui la cultivent pour nourrir leur famille dans les zones reculées et qui subissent l’accaparement des terres par les compagnies minières. Les forêts, où elles trouvent des plantes médicinales, sont également menacées. Les secteurs de la santé ne sont pas fonctionnels partout et, lorsqu’ils le sont, ils coûtent trop cher pour les communautés.
Les terres ainsi prises en otage sont polluées, les rivières également. Là encore les femmes, cherchant l’eau pour la consommation et s’y baignant, y sont les plus exposées et développent des maladies. Et nous connaissons des cas d’enfants nés avec des malformations dues à la contamination des eaux.
Enfin, les miniers font appel à des sociétés de gardiennage pour sécuriser leur secteur. Des hommes arrivent seuls d’autres villages. On constate des phénomènes de dislocation familiale, des femmes se livrent ou sont forcées à la prostitution. Parfois, la plus courte distance pour accéder aux services comme l’eau traverse le secteur minier, et les femmes sont poussées à marchander. Généralement, ce sont des abus sexuels.
Quelles sont les conséquences sur leur situation ?
Les femmes se retrouvent au plus bas niveau de l’échelle de la pauvreté. Dans les familles polygamiques, chaque femme s’occupe de ses biens et de sa case. Mais, lorsque les compagnies minières se résolvent à dédommager une communauté, ce sont les hommes qui reçoivent les compensations. Le plus souvent, ils abandonnent femmes et enfants, qui n’ont pas les moyens de partir, pour s’installer ailleurs et épouser d’autres femmes.
Dans certains cas, la compagnie minière finance la construction de camps de relocalisation. Mais les maisons ne répondent pas aux critères sociaux des communautés villageoises. Les gens sont entassés, n’ont pas de terre. Les femmes doivent chercher loin des activités génératrices de revenus qui, généralement, ne leur permettent même pas de scolariser leurs enfants.
Quelles sont les possibilités de lutte ?
Les femmes refusent souvent l’accaparement de leurs terres ou défendent leurs droits aux compensations. Elles demandent généralement des compensations terre contre terre plutôt que financières, qui ne leur permettent pas d’acheter des terres alentour.
WoMin travaille avec les femmes mobilisées sans programme préétabli, selon leurs besoins. Lorsqu’elles ne connaissent pas leurs droits, nous étudions avec elles les textes de loi, qui servent pour les plaidoyers. Le droit des communautés à l’eau potable, à l’éducation, à un environnement sain figure dans la Constitution de tous les pays africains.
Nous donnons les informations relatives à la compagnie minière. Lorsque nous identifions la Banque africaine de développement parmi les partenaires, nous faisons connaître ses engagements à ne pas appauvrir les populations et à s’assurer de la prise en compte des intérêts des femmes. Et, pour qu’elles ne restent pas dans un état de paupérisation qui rendrait la lutte difficile, nous soutenons leurs projets d’activités génératrices de revenus, comme l’agriculture écologique, la production de savon ou de miel.
Sont-elles menacées ?
La violation des droits humains est très prononcée dans le secteur minier. Ceux qui défendent les femmes, les communautés, l’environnement sont généralement pris pour cible. Dans certains pays, la répression n’est pas forte mais, dans d’autres, elle l’est. Nous tentons de protéger ces femmes au moyen de formations, de mise en lien avec des associations de défense des droits. Parfois nous leur demandons de ne pas se déplacer seules. Lorsque c’est possible, nous fournissons des téléphones pour savoir où elles se trouvent. Elles les utilisent pour s’informer, filmer, collecter des preuves et les diffuser.
Les femmes n’obtiennent pas toujours totalement ce qu’elles veulent, mais il y a eu des avancées dans certaines luttes. Les compagnies minières ont des tactiques pour diviser et décourager les communautés, leur disent qu’elles n’auront jamais gain de cause. Mais en partageant l’expérience de femmes, à travers des visites de solidarité, qui se sont battues avec les moyens qu’elles ont, elles se sentent plus fortes.
Source:https://www.humanite.fr/