Les députés gambiens ont rejeté lundi une proposition de loi qui aurait dépénalisé les mutilations génitales féminines (MGF), une pratique douloureuse et dangereuse interdite dans la plupart des pays mais encore subie par plus de 230 millions de filles et femmes dans le monde.
Ablation ou accolement
Ces mutilations, pratiquées pour des raisons non-médicales, regroupent essentiellement l’ablation partielle ou totale du clitoris, l’excision (ablation totale ou partielle du clitoris et des petites lèvres) ou l’infibulation (rétrécissement de l’orifice vaginal par l’ablation et l’accolement des lèvres externes ou internes, avec ou sans excision du clitoris), la forme la plus extrême où n’est laissé qu’un minuscule orifice, pour permettre aux fillettes d’uriner puis, plus tard, à leurs règles de s’écouler.
Le type de mutilations varie selon les pays : au Soudan, 71% des victimes âgées de 10 à 19 ans ont subi une infibulation. Au Yémen, il s’agit à 90% d’excisions et à Djibouti à 90% d’ablations partielles ou totales du clitoris.
Progression et croissance démographique
Le nombre de femmes et de filles qui vivent avec des mutilations génitales féminines dépasse aujourd’hui les 230 millions. Soit 15% de plus qu’en 2016 (30 millions de victimes supplémentaires), a annoncé l’Unicef dans un rapport publié en mars estimant que cette hausse était en grande partie liée à la croissance de la population dans les pays où ces mutilations sont pratiquées.
« Mais avant la pandémie mondiale du COVID-19, les chiffres étaient plutôt encourageants avec une baisse significative », précise à l’AFP Isabelle Gillette-Faye, présidente de la Fédération nationale du Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS). Les MGF existant depuis six siècles avant l’ère commune, les résultats obtenus en l’espace d’une trentaine d’années sont néanmoins « très encourageants », ajoute-t-elle.
« Manifestation du patriarcat »
Les MGF « sont considérées au niveau international comme étant une violation des droits humains des femmes et des filles, notamment de leurs droits à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique, ainsi que de leur droit à la vie lorsque ces pratiques ont des conséquences mortelles », indique l’ONU.
« C’est l’une des manifestations les plus vicieuses du patriarcat qui règne dans notre monde », s’insurgeait son Secrétaire général Antonio Guterres en 2023.
Douloureuses, parfois mortelles (sans que le nombre de décès qui en découle ne puisse être estimé), elles peuvent laisser des séquelles psychologiques et physiques permanentes, comme des problèmes de fertilité, des complications à l’accouchement, des bébés morts-nés, des douleurs pendant les règles, au moment d’uriner et lors des relations sexuelles.
99% des femmes en Somalie
L’Afrique est le continent le plus concerné avec plus de 144 millions de femmes et de filles mutilées, essentiellement dans une série de pays formant une bande de la Corne de l’Afrique à la côte atlantique, avec notamment la Somalie (99% des femmes entre 15 et 49 ans), la Guinée (95%) et Djibouti (90%). Mais aussi en Egypte (87%).
L’Asie (Indonésie et Maldives) compte 80 millions de victimes et le Moyen-Orient (Yémen et Irak) six millions, selon l’Unicef.
Certains pays enregistrent une baisse significative, comme le Burkina Faso où le pourcentage d’adolescentes de 15 à 19 ans mutilées est passé en 30 ans de 83% à 32%, les Maldives (de 38% à 1%), le Liberia (de 54% à 20%) ou la Sierra Leone (de 95% à 61%).
« Au niveau mondial, pour les pays dans lesquels nous avons des données quantitatives, il ressort clairement que la génération des filles est moins exposée aux mutilations sexuelles féminines que les mères », détaille Isabelle Gillette-Faye.
Travail de longue haleine
Selon l’Unicef, les avancées se font trop lentement pour compenser la croissance démographique dans les régions où cette pratique est la plus répandue. Il faudrait que les progrès soient 27 fois plus rapides pour éradiquer cette pratique d’ici 2030, comme visé par les Objectifs de développement durable de l’ONU.
Légiférer est nécessaire mais pas suffisant : « les MGF sont par exemple très pratiquées en Guinée, la prévalence est de 95% alors que la loi l’interdit. Et en Gambie, la prévalence est de 73% », détaille Isabelle Gillette-Faye. Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest à majorité musulmane, le député Almameh Gibba, défenseur d’une levée de l’interdiction des MGF, avait argué qu’il s’agissait du « droit des citoyens à pratiquer leur culture et leur religion ».
« Face aux normes sociales, c’est un travail de longue haleine », explique Mme Gillet-Faye.
Mais les leviers sont nombreux : l’information, l’éducation, la communication, la scolarisation des filles comme des garçons… « Dans tous les pays sans exception, dès que le niveau scolaire atteint la fin du primaire, il y a une baisse significative » des mutilations génitales, argue la sociologue.
Source: https://fr.timesofisrael.com